Un jour je demanderai à mes parents la raison et l'occasion pour laquelle on m'avait offert alors que je commençais tout juste à lire, ce livre sur les secret de l'univers. Un beau livre à la couverture de carton épais, gris, avec une photographie de Saturne et ses anneaux. Toujours est-il que ce jour-là est née une véritable fascination pour les choses célestes et, avec elle, tout le questionnement existentiel qui peut l'accompagner : d'où venons-nous, où allons-nous ? Sommes-nous seuls dans l'univers ? Je parcourais avec une soif de connaissance sans limite ces pages de papier glacé où il était question d'étoiles en formation, de supernovae, de galaxies aux couleurs incroyables, d'amas gazeux, de trous noirs insondables et de tout un tas d'autre choses qui, à vrai dire, me dépassaient un peu du haut de mes petites années.
Un peu plus tard, pour alimenter cette curiosité totale de tout qui me caractérisait déjà alors, je me vis offrir, probablement à l'occasion d'un Noël, un très beau livre rouge sobrement intitulé "L'Univers", écrit par Laurent Broomhead, qui était à l'époque un vulgarisateur scientifique extraordinaire, du moins dans mes souvenirs.
Ce gros livre rouge, j'ai du le lire et le relire un bon millier de fois et pendant des années. Il n'y était plus seulement question de corps célestes, des planètes, de leurs caractéristiques, de quasars et autres pulsars, mais aussi de notions telles que le temps, la vitesse et l'espace, d'espace-temps, de dimensions, de la forme de l'univers et de bien d'autres choses encore qui furent, et demeurent encore aujourd'hui, des champs d'intérêts dont je ne suis toujours pas lassé.
C'est à la même époque que, naturellement, j'ai commencé à lever mon nez vers les étoiles et à observer les cieux nocturnes. Par chez-nous, la campagne étant alors encore un havre de paix et les nuits parfaitement noires chose commune, cela ne suscitait guère de difficulté. Il suffisait de se mettre sur la terrasse une fois le soleil couché et d'ouvrir les yeux pour que le spectacle ne commence. Au bout d'un certain temps, j'avais acquis une petite connaissance qui me permettait de nommer un joli nombre de constellations : la Grande ourse, la Petite ourse, Cassiopée, Orion, le Cygne, Vénus...
Je me souviens aussi de cette sensation absolument fantastique lorsque, un soir, je me rendis compte que l'on pouvait parfaitement observer à l’œil nu cette chose si extraordinaire qui n'est autre que la Voie Lactée, notre propre galaxie, dont la traînée blanche si caractéristique macule le ciel. Si lointaine et pourtant si proche... Ma fascination était sans limite.
Une chose qui me sidérait alors, et qui d'une certaine manière me sidère encore, c'est de concevoir que ce que je voyais dans le ciel n'était pas tant les étoiles en elles-mêmes, mais la lumière qu'elles avaient envoyée à travers des milliards et des milliards de kilomètres de distance, plusieurs milliards d'années auparavant, et que ce que je voyais n'était qu'une image de quelque chose qui peut-être n'existait plus, et que la lumière de cet instant ultime ne m'arrivera jamais, faute pour moi d'être là le moment venu...
S'il est un de mes rêves d'enfants qui n'a jamais été réalisé, c'est bien celui de posséder une longue-vue ou un petit télescope pour regarder tout cela de plus près, de pouvoir notamment scruter la face de la lune ou de mieux voir la forme de ce gros point brillant bas dans le ciel et que je savais être Jupiter. Adolescent je me souviens avoir franchi le seuil d'un magasin spécialisé pour me renseigner sur les prix et modèles de ces appareils qui s'étaient depuis fortement modernisés.
Cette passion ne m'a jamais quitté. Passion est certes un peu excessif mais je reste, en tout état de cause, captivé par toutes ces questions-là, pour certaines aux confins de la science, et qui me procurent ce vertige si spécial, lorsque j'y pense, de toutes ces choses pour lesquelles nous n'avons qu'une compréhension minime et qui sont pourtant bel et bien là, sous nos yeux et dont nous sommes partie intégrante.
Aujourd'hui je n'ai toujours pas de télescope et je n'ai toujours pas observé Jupiter à travers une longue-vue. Mais c'est le même frisson de grandiose qui me parcourt tout entier des pieds jusqu'à la tête lorsque, au bénéfice d'une belle nuit au ciel clair comme celle encore de samedi dernier, je me promène le nez au vent, les yeux plongés dans les étoiles.