Aujourd'hui je vais te raconter ma soupe à l'oignon. Hé oui. Parce que les choses simples, on les laisse parfois un peu trop de côté, sans raison. On cherche les recettes compliquées pour en mettre plein la vue. Je te propose humblement de t'en mettre plein les papilles.
Pourtant la soupe à l'oignon c'est facile à préparer et c'est rudement bon. Et en ces temps de fêtes, c'est parfait pour remettre les estomacs fragiles d'aplomb.
Des recettes de soupe à l'oignon, il doit en exister autant que de recettes de paella, de soupe au choux et de tout un tas d'autres recettes des familles. Peu importe. Moi je fais celle que j'aime. Parce qu'on ne le dira jamais assez, la cuisine c'est d'abord de l'amour. De l'amour que l'on s'offre à soi et que l'on partage avec ceux que l'on aime. Quand on comprend ça, on comprend beaucoup de choses.
Les prérequis sont enfantins : une grande cocotte, un peu d'huile, des oignons, un verre de vin blanc sec, de l'ail, sel, poivre, quelques os ou du bouillon en cube. C'est tout... Pas besoin d'aller chercher très loin.
Allez, viens, je te montre.
1/ Pour faire de la soupe à l'oignon il te faut commencer par armer un grand faitout ou une grande cocotte d'au moins cinq litres. Si tu utilises un récipient plus petit, il faudra adapter les proportions. C'est très facile, tu verras. Donc, au fond de ta cocotte, tu mets un peu de gras à chauffer. Deux ou trois bonnes cuillerées à soupe d'huile
d'olive ou de tournesol, ou un peu de gras de canard, un bout de lard de
cochon (du lard fumé si tu en as, ce devrait être excellent), bref ce que tu as. L'autre jour j'ai utilisé un fond de graisse de
foie gras et c'était très bien. Tu mets sur un feu tout doux. C'est important.
2/ Pendant que ta cocotte chauffe lentement, il faut préparer les oignons. Moi j'aime bien mélanger les variétés, parce que c'est joli dans mon panier et parce qu'elles ont chacune leur petit parfum et leur texture une fois cuits. L'oignon rouge, comme sur la photo, donne un goût un peu plus sucré et reste très ferme à la cuisson. Mais si tu n'as que de l'oignon jaune ça ira très bien.
Niveau quantité, des oignons il t'en faudra environ beaucoup. Je ne sais pas te dire combien exactement mais deux kilos me parait un minimum. Tu les épluches et tu les éminces avec un bon couteau. S'il tranche bien tu ne pleureras (presque) pas. La bonne quantité est atteinte lorsque tes oignons émincés remplissent à peu près la moitié de ta cocotte. Si au milieu
de tes oignons se cachent quelques échalotes, ne les gronde pas et
mets-les avec, ce sera très bon. Ajoute également ton ail épluché et dégermé si tu ne le digères pas. Personnellement je coupe les gousses en deux, sans m'escrimer à le hacher fin.
3/ Ensuite, il va falloir faire fondre tout ça sur un feu pas trop fort pour que ça n'attache pas. Si ça commence à accrocher, baisse immédiatement le feu. La coloration va être plutôt lente. Alors arme-toi d'une spatule en bois et d'un peu de patience, et touille un peu de temps en temps en raclant bien le fond de la marmite pour décoller les sucs.
Il ne faut pas couvrir, ou pas complètement, sinon les oignons ne vont pas colorer. Et c'est quand même l'objectif : obtenir une belle couleur caramel assez foncée. Plus la couleur sera prononcée et plus intense sera l'arôme de la soupe. Cette phase est donc fondamentale puisque c'est là que tout se joue. Alors prends patience !
4/ Au bout d'une bonne demi heure voire trois bons quarts d'heure, les oignons auront réduit des deux tiers et auront pris une belle couleur caramel. Plus la couleur sera foncée et plus la soupe aura de goût.
Si ce n'est pas encore le cas, patiente en te servant un petit canon avec le blanc que tu vas utiliser dans la recette. Au moins tu seras certain que le vin n'est pas bouchonné !
Quand ça te paraît bien, ajoute un bon grand verre de vin blanc sec et fais réduire sur un feu un peu plus vif. Ne te casse pas la tête, n'utilise pas la meilleure bouteille de ta cave. Personnellement j'utilise un petit Sauvignon de pays à 3,50€ qui va très bien. Un Bordeaux Graves fera aussi parfaitement l'affaire.
5/ Quand tout a réduit et que ça crépite de bonheur, commence à remplir une carafe d'eau du robinet. Si tu as un bout de carcasse de volaille, des os à moelle ou que sais-je, tu peux les ajouter à tes oignons. Ça n'en sera que meilleur.
Aujourd'hui j' ai mis deux os à moelle et de la queue de bœuf. Parce que c'est bon la queue. Si tu n'as rien de tout cela ou si tu n'aimes pas, tu peux ajouter un peu de fond de veau ou un ou deux cubes de bouillon de volaille ou de bœuf, ça fera très bien l'affaire.
6/ C'est enfin le moment de
couvrir le tout avec de l'eau en remplissant ta cocote jusqu'à 2 centimètres du bord.
N'ai pas peur de tout noyer : ça va réduire. Maintenant tu sales et tu poivres généreusement. Si tu as des feuilles
de laurier, tu peux en mettre un bout, mais pas trop sinon ça risque de
dominer. On évite le girofle et le genièvre qui, à mon sens, n'ont pas grand chose à faire dans cette histoire. Restons simples !
Et maintenant il faut laisser la magie opérer en laissant infuser le tout pendant au moins deux heures, à feu doux, sans couvrir complètement pour qu'un peu du volume s'évapore et que les sucs se concentrent bien. Dans quelques instants, toute la maison va sentir bon la soupe. Tu vas voir, c'est magnifique !
7/ Avant de servir, retire les os si tu en as mis, et passe un rapide coup de mixer, sans mouliner complètement. La soupe va prendre une consistance assez épaisse et une couleur bien rousse voire marron foncé. Rectifie l'assaisonnement si nécessaire en sel et poivre. Sers dans le récipient de ton choix, et savoure brûlant à grandes lampées.
Voilà, tu sais tout, ou presque. A partir de cet instant, les possibilités sont infinies. Tu peux même faire gratiner ta soupe sous le grill du four, après l'avoir recouverte de fromage rappé. C'est très décadent et délicieux. Sois sans crainte, je ne te jugerai pas...
Sache par exemple que, dans le Cantal, pour les fêtes et les mariages, on réserve à cette soupe un destin extraordinaire. Après en avoir préparé une généreuse marmite, on remplit une soupière de tranches de gros pain rassis, alternées avec des tranches de vieux Salers. On verse ensuite la soupe brûlante dans la soupière que l'on referme avec son couvercle. Puis l'on attend, religieusement, pendant une dizaine de minutes, le temps de croquer une tranche d'andouillette avec les copains et de trinquer ensemble. Quelques instants plus tard, quand les dieux et divinités de la soupe à l'oignon ont magnifié leur œuvre dans le secret de cet écrin de faïence, on sert les convives de ce syncrétisme parfait, constitué de pain gorgé de soupe et de fromage fondu. Une bonne louchée bien généreuse. C'est alors que se noue un face à face quasi mystique chacun devant son assiette. La vérité est là, dans la simplicité rustique de ce plat venu du fond des âges. A cet instant précis se rejoue l'un des grands moments de l'histoire de la soupe. Je te souhaite d'en être, toi aussi, un jour.
Bon appétit. Tu l'as mérité.