Aujourd'hui je vais parler d'un groupe de personnes que l'on moque habituellement - avec plus ou moins de délicatesse - dans la communauté Gay car elles ne pratiquent pas la sodomie. On les désigne parfois sous l'anglicisme "side". Les "side", ces gens bizarres à la sexualité appauvrie... Je ris très très fort.
En effet, il ne faut généralement pas plus de trois phrases lorsque l'on surfe sur un site de rencontres dédié aux garçons qui aiment les garçons, pour que n'apparaisse cette question qui provoque aussitôt chez moi ce roulement oculaire témoin mon épuisement mental : "t'es actif ou passif ?"...
Croyez-moi, cette question a le don de m'exaspérer au dernier degré. Pour poser les choses très clairement, je ne suis pas passif et rarement actif. Plutôt side, donc. Hannnnn bouh le vilain side... D'ailleurs rien que le nom "side" est détestable. "Side", comme s'il s'agissait d'une sexualité â la marge, alors qu'il n'en est rien.
Car à en croire les déclarations des uns et des autres, la sodomie chez les Gays serait la condition sine qua non de toute relation sexuelle digne de ce nom, le Saint Graal de la jouissance, le Valhalla de l'extase, l'Hiroshima de l'ogasme, comme s'il était aussi naturel de pénétrer un rectum que de pénetrer un vagin. Hé bien hé bien... ça dépend ! Et même parfois, pas du tout.
Hé oui, je t'arrête tout de suite toi qui ne jure de la qualité d'une relation sexuelle que par la possibilité de chevaucher ou d'être chevauché et prête l'oreille à ce qui suit. Et toi, petit side
qui te sens meurtri dans ta chair parce que tu n'éprouves aucun plaisir
à te faire décalaminer le pot en cadence ou parce que tu débandes
direct quand un mec te dis "Prends-moi", lis ce qui suit : je l'ai aussi écrit pour toi.
En effet, comme
je l'écrivais ici-même en 2009 ce n'est pas parce que l'on préfère les garçons que l'idée de se prendre un gros calibre dans le fion nous fait tous trembler de désir. Loin s'en faut. Et en ce qui me concerne, absolument pas.
En décembre dernier,
Têtu publiait un article sur le sujet, intitulé "
Pourquoi certains gays ne pratiquent pas la sodomie (et pourquoi ce n’est pas grave)". Peur d'avoir mal, problèmes d'hygiène, crainte d'être atteints dans leur virilité, absence de plaisir... Les raisons de ne pas pratiquer la sodomie sont multiples et peuvent se recouper. Sur le même sujet,
cet article de 2013 paru dans le Huffington Post est encore plus intéressant.
Si certaines personnes y prennent un pied intersidéral, d'autres au contraire voient dans la sodomie soit un supplice insurmontable tant la douleur est vive, soit un rituel accessoire parfaitement dispensable. Pour d'autres enfin, la sodomie active ne revêt aucun intérêt du tout, tant l'absence de plaisir est prégnante. Je puis en parler librement, je fais partie des premiers et des derniers.
Une enquête "
Recrudescence des prises de risque et des MST parmi les gays" notamment consacrée à la sexualité Bi et Gay, menée en 2000 par l'Institut de Veille Sanitaire en partenariat avec l’Agence Nationale de Recherches sur le SIDA, la Direction Générale de la Santé et avec la contribution de vingt revues et trois sites Internet, est particulièrement instructive sur le sujet : la sodomie n'est pas la pratique d'une écrasante majorité. Les statistiques qui ressortent des 4.753 témoignages recueillis, permettent de corroborer cet état de fait
Coupons donc cours à l'idée fausse selon laquelle la sodomie serait un passage obligatoire de la sexualité Gay et Bi. Comme le dit Têtu dans son article, non seulement ce n'est pas grave mais j'ajouterai surtout que c'est faire preuve d'un manque vertigineux d'imagination que de réduire le plaisir charnel à la seule sodomie !
Ainsi, aux termes de cette enquête, environ 17,5% des personnes interrogées ont déclaré "toujours" pénétrer leur partenaire régulier, 33% "souvent", 25,5% "rarement" et 24% "jamais". Réciproquement, les statistiques miroir concernant la sodomie passive sont équivalentes : 18% des personnes interrogées ont déclaré se faire "systématiquement" pénétrer, 33% "souvent", 25% "rarement" et 24% "jamais".
Donc un quart des sondés ne pratique jamais la sodomie et un autre quart la pratique rarement. Par conséquent inutile de vous mortifier parce que vous ne prenez pas votre pied avec la sodomie : vous n'êtes ni des êtres étranges ni une minorité, bien au contraire, vous êtes parfaitement normaux !
Dans un premier temps, je reviendrai brièvement sur la question de la douleur obstacle. Je suis toujours surpris d'entendre ou de lire que la sodomie serait
quelque chose de parfaitement spontané chez les Gays, comme la
copulation l'est chez les couples hétéros. C'est oublier bien vite un
détail important : au contraire de la vulve qui est spontanément adaptée
à recevoir une verge, un anus - qu'il soit masculin ou féminin, n'est
absolument pas doté des mêmes prédispositions morphologique et biologiques. Et cela fait une sacrée différence.
Il ne faut pas s'y tromper : quoique cette zone de l'anatomie soit saturée de terminaisons nerveuses notamment érogènes, s'enfiler un gros calibre par la porte de sortie n'est pas nécessairement sans contrainte. D'une part, de puissants muscles font en principe obstruction à ce que tout ce qui se trouve prisonnier à l'intérieur ne s'en échappe fortuitement. D'autre part et réciproquement, ces mêmes muscles forment une barrière naturelle à tout ce qui voudrait y entrer par effraction. Enfin, et contrairement à une vulve, l'anus n'est doté d'aucun mécanisme de lubrification qui pourrait faciliter les opérations. Par conséquent, si l'habitude, l'habileté du partenaire et la confiance acquise par l'expérience peuvent permettre au petit oiseau de se longer confortablement dans son nid et de faire frétiller chacune des cellules de son hôte, emporté par des tourbillons de plaisir, il n'y faut pas voir une généralité.
C'est d'ailleurs un point qui revient régulièrement chez ceux qui ne pratiquent pas la sodomie passive en raison de la douleur : non, il n'y a aucune raison de se forcer à subir quelque chose de douloureux au motif que l'on va (hypothétique) finir par aimer cela. Quand on a mal, généralement, on ne consent pas, à moins d'être maso. Pourquoi appliquer à la sexualité ce que l'on ne tolèrerait pas dans un autre contexte ? Restez donc les doigts coincés dans une porte pendant cinq minutes et voyons si au bout du compte vous y trouvez du plaisir !
On ne rappellera jamais assez la règle numéro un applicable en toute circonstance et quelles que soient vos pratiques : Vous avez mal et vous ne vous sentez pas bien ? Arrêtez et dites non. Point. Rien ne vous interdit d'essayer à nouveau plus tard. Mais la règle est et restera toujours la même : le sexe doit avant tout rester du plaisir partagé. S'il ne l'est pas, c'est que l'un des deux se fait enculer ne joue pas le jeu.
Je passerai brièvement sur les actifs "par conviction", ceux qui ne sont pas passifs - alors qu'éventuellement ils le pourraient - uniquement parce que, dans leur petite conception de la masculinité virile figée quelque part entre le Néolithique et le Moyen Âge, celui qui se fait prendre endosse le rôle de la femme et que non, vraiment, c'est pas possible. Soyons très clairs : ce raisonnement de phallocrate dégénéré témoigne d'un degré de bêtise rétrograde sur lequel je ne m'étendrai pas davantage. Pour le surplus, je renverrai simplement
au point n°6 de ce précédent billet.
S'agissant ensuite du plaisir en tant qu'actif, hé bien tout est très relatif. Contrairement à une idée reçue, tout le monde n'est pas excité à l'idée de "prendre" quelqu'un. Hé non, cela n'est pas une évidence pour tout le monde. Beaucoup trop de gars pensent encore que montrer leur rondelle provoquera ipso facto un tourbillon ascensionnel de libido chez le partenaire. Grave erreur. Pour ma part c'est l'encéphalogramme plat. De plus, tous les garçons n'éprouvent pas non plus de plaisir particulier lorsqu'ils se retrouvent dans cette position. C'est également mon cas... La situation peut même s'avérer extrêmement gênante car, faute d'excitation, c'est bien souvent la débandade assurée.
Là encore, sauf à vous ériger en chevalier blanc du plaisir doublé d'un sens profond de l'abnégation, rien ne vous oblige à faire quelque chose qui ne vous procure aucune excitation ni aucune satisfaction. Vous ne vous sentez pas bien ? Arrêtez et changez. L'autre ne veut pas et insiste ? Virez-le...
Mais alors, que reste-t-il en dehors de la sodomie ?
Tout le reste, bordel de merde. Tout le reste ! Non, je ne parle pas que de la branlette et la fellation. S'approprier le corps de l'autre afin de lui prodiguer du
plaisir peut passer par mille autres choses que de lui enfoncer un pénis en
érection dans le fondement. La sodomie, si elle est chez certaines
personnes l'alpha et l'oméga du plaisir, elle est au contraire chez 50%
des Bi et des Gay une pratique soit totalement secondaire soit
inexistante. Est-ce pour autant que ces gens-là ne savent pas s'envoyer
en l'air ? Le croire est d'une naïveté coupable.
Ayez à l'esprit que la surface d'un corps masculin est en moyenne de 1,90 mètres carrés. Vous voudriez vous contenter de seulement quelques pour-cents ? Sérieusement... Vous aimez la domination,
you like it rough ? Croyez-moi il y a mille autres manières d'être violent, dominant, humilié ou
rough que de taper dans un postérieur avachi. Partez
vraiment à la découverte du corps qui s'abandonne à vous... Soyez créatifs. N'oubliez pas le pouvoir terriblement puissant des mots, du ton de la voix et du jeu de regards ou encore toute la déclinaison des trips fétichistes en passant par le
pup-play. Vous préférez le "soft" (ce qui ne veut rien dire...) vous aimez la tendresse et les câlins ? alors laissez-vous complètement aller, lâchez prise, p.r.o.f.i.t.e.z. et prenez votre pied !
Pour conclure je dirai seulement que quelque soit la manière dont vous vous éclatez au lit (ou ailleurs), arrêtez de comparer, de vous comparer.
Prenez ce qui vous convient et posez vous une seule question : est-ce que le plaisir que j'éprouve me satisfait ?
Et admettez que votre sexualité n'est ni universelle, ni supérieure et encore moins inférieure à une autre.