Encore une fois je me suis docilement (mais j'étais consentant) laissé traîner au cinéma pour aller voir un film dont j'ignorais (presque) tout si ce n'est que son réalisateur n'était autre que celui à qui l'on doit le désormais culte
Donnie Darko - que je n'ai toujours pas vu, mais dont le résumé ainsi que surtout une photo où l'on aperçoit un type en compagnie d'une sorte de lapin géant dans une salle de cinéma, avait interpelé ma curiosité. Les seuls éléments en ma possession concernant
The Box m'avaient été donnés par Stéph dans le courant de l'après midi alors que nous synchronisions nos montres :
1/ C'est l'histoire d'un couple qui reçoit une boite avec un gros bouton dessus. S'ils appuient, quelqu'un mourra et ils recevront en contrepartie la somme de 1 million de Dollars.
2/ Le réalisateur teinte régulièrement son propos de surnaturel.
Quoique cela fut un peu maigre pour se forger une opinion raisonnable, nous étions installés dans nos fauteuils (sans porte-gobelet... la loose) pour assister à la séance de 20h20 à l'UGC Wilson, seule salle du centre-ville à diffuser la dernière oeuvre de Richard Kelly.
L'ignorance est souvent coupable ; elle peut néanmoins parfois s'avérer salutaire. En effet, à la sortie (attention, ellipse) j'ai appris que la
bande annonce suggérait que le film aurait la trame d'un polar rythmé, bourré d'action, sur un fond de musique haletante. Si telle est l'idée que vous vous faites de
The Box, permettez moi de vous détromper tout de suite, car il n'en est strictement rien ! Vous risquez, comme je le suppose une bonne partie de la salle hier soir, d'essuyer une déception mémorable.
The Box est en effet l'histoire d'un couple américain au milieu des années 1970. Arthur Lewis, bosse sur des programmes spaciaux et conçoit des caméras d'observation satellite. La NASA effectue en effet des recherches sur la planète Mars qu'elle vient de cartographier. Son épouse, Norma Lewis, est prof dans un lycée où elle enseigne Sartres à ses élèves. La trentaine passée, bien sous tous rapports, ils habitent une très jolie maison devant laquelle tous les matins s'arrête le bus qui emmène leur fiston au collège. Une petite famille tranquille à qui tout semble réussir. Mais pas tant que cela en fait. Les soucis financiers s'accumulent et l'avenir qu'ils espéraient radieux se voit peu à peu recouvert d'épaisses volutes de nuages noirs.
Un beau matin, alors que la maisonnée est encore profondément endormie, un colis est déposé devant leur porte. A l'intérieur, une énigmatique boite cubique en bois, munie en son sommet d'une cloche en verre fermée par une clé, protégeant un énorme bouton poussoir rouge. Une carte l’accompagne, leur annonçant la visite d’un certain Steward pour 17h. Le soir venu, alors que l'épouse est seule, un homme élégamment vêtu d'un complet noir mais dont le visage est défiguré par une horrible et profonde balafre, lui proposera un bien étrange marché : résoudre à tout jamais leurs problèmes financiers en appuyant sur le bouton. Sauf que prendre une telle décision implique deux conséquences qui méritent réflexion : tout d'abord, quelqu'un qu'ils ne connaissent pas mourra, quelque part dans le monde ; d'autre part, ils toucheront la somme de 1 million de Dollars. L'offre n'est valable que 24 heures et ne doit être révélée à quiconque, hormis son mari avec qui la décision doit être prise... d'ici là, il faudra faire un choix. Et attention à toute tentative de faux pas, les conséquences pourraient en être désastreuses. Voici comment la famille Lewis se trouve prise en tenaille dans un dilemme cornélien : refuser une somme d'argent qui changera le reste de leur existence mais accepter la misère à laquelle ils s'exposent, ou accepter cette chance unique en portant toute leur vie le fardeau de la culpabilité d'avoir tué un innocent.
Je ne vous raconterai pas la suite du film, autant parce que je n'en ai pas envie que parce que c'est littéralement impossible !
Sachez seulement qu'il ne s'agit pas d'un film d'action. On se croirait davantage dans un épisode de
Twilight Zone, avec quelques accents de
Tween Peaks, voire - peut être lointainement - de quelques uns des meilleurs épisodes de
X-Files, et si j'osais la comparaison sans confiner au sacrilège, quelques éléments d'ambiances dignes d'un Kubric (je pense à
2001 et
Eyes wide shut). Très vite il faut accepter de lâcher prise et renoncer à comprendre ce qu'il se passe au fur et à mesure des événements car les éléments dont nous avons besoin ne nous seront pas donnés dans l'ordre, voire pas du tout. Sans compter que le surnaturel – ce n’est pas une surprise – fait progressivement et subtilement son apparition, contribuant ainsi à fausser encore davantage des cartes déjà inégalement distribuée.
The Box est un film étrange mais réellement envoûtant, au charme bien particulier.
Esthétiquement, c'est plutôt une réussite. On est bel et bien au coeur des années 70 (1976 précisément), avec ses papiers peints psychédéliques et ses tenues vestimentaire encore extraordinairement modernes. Le traitement de l'image par un grain discret mais présent donne l'impression que le film été tourné à la même époque, ajoutant une imperceptible couche de crédibilité naturelle supplémentaire au rendu général. La situation temporelle du récit induit tout un tas de conséquences qui servent habilement le récit. Ainsi l'absence de téléphone portable prive les personnes de pouvoir communiquer à tout moment et rend certaines répliques troublantes. De même l'absence d'internet contraint les personnages à se rendre dans des lieux précis pour récolter des informations que l'on glanerait aujourd'hui en quelques clics sans avoir à sortir de chez soi. Il est vrai que l’action aurait parfaitement pu être transposée à nos jours, la conquête de mars se muant en la conquête d'une exoplanète quelconque, scénaristiquement cela ne posait aucun problème particulier, cela a déjà été fait. Néanmoins une telle décision aurait eu pour conséquence de se priver d’une atmosphère à la singularité exquise.
Car ce qui fait la grande force de ce film c'est sans nul doute l'ambiance bien particulière qui y règne. Ainsi, dès les premières secondes un sentiment frustrant nous envahit que beaucoup de choses nous échappent ou nous sont données à comprendre. Dés lors on suppose, on devine, on essaie de recoller des morceaux dont on ne sait pas s'ils vont réellement ensemble. Mais est-on bien sûr de comprendre ce qu'il faut ? soit que les conclusions auxquelles nous sommes conduits soient fantasques, soit qu’elles soient terrifiantes. La concomitance de certains faits laisse entendre l’existence un lien de causalité ténu entre l'un et l'autre, mais est-ce vraiment la bonne explication ? Parfois oui, parfois non... d’autres fois encore on ne le sait pas, quoiqu'on puisse le supposer, sans qu'aucun démenti formel ne vienne étayer ou démolir nos hypothèses. Quelque chose de plus grand se trame en arrière plan. Mais quoi ? Qui est vraiment Steward ? Qui sont ses "employeurs" ? En quoi consistent exactement les "tests" qu'ils mènent par son entremise ? Comment fonctionne la boite ? Quelle est l'implication de la NASA qui lui prête des locaux ? Quel rapport avec Mars ? Y aurait-il un lien avec les mystérieux " maîtres de la foudre " ? Car il doit bien y avoir bien un rapport... non ?
Lorsque sortant de l'obscurité les premiers visages ont émergé, si j'ai bien senti une certaine déception de la part de ceux venus pour le film d'action du dimanche soir, j'ai également pu lire sur le visage de quelques uns la satisfaction de s'être fait mener par le bout du nez et le plaisir de rentrer chez soi la tête pleine de questions auxquelles il n'y a sûrement pas de réponse.
En définitive,
The Box est à l’image d’un bon livre que, sitôt la dernière page terminée, l’on s’empresse de relire du début et dont on attend la lumière, tout en sachant secrètement avec délice que cette seconde lecture ne nous apportera guère plus de certitudes.
D'ailleurs, juste entre nous... vous auriez fait quoi vous ? Appuyer ou ne pas appuyer ...?