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Je m'en souviens comme d'une chose immense, de couleur blanche avec des poignées métalliques anguleuses. Les quatre portes du bas s'ouvraient sur un véritable bric-à-brac d'objets dont nous ignorions le nom tout autant que la fonction et parmi lesquels nous furetions dans un joyeux tintamarre métallique de casseroles que nous prenions garde de faire s'entrechoquer dans la plus grande discrétion...
La partie supérieure nous était un peu plus inaccessible sans le recours à une chaise. Au centre, une redoutable porte basculante abritait nappes, serviettes et torchons de couleurs. Je n'ai aucun souvenir de ce qui pouvait se tapir derrière la porte de droite. En revanche, ma mémoire est intacte s'agissant du placard de gauche : le placard à pharmacie. Ma grand-mère n'aimait pas que nous y mettions le nez et pourtant c'était là l'un des spectacles les plus fascinants qu'il m'ait été donné de voir. Sous nos yeux, des étages entiers de boites de pilules, de bouteilles flacons et fioles en verres de toutes sortes et formes contenant des potions extraordinaires.
Parmi toutes ces potions, il y en a une qu'utilisait souvent ma grand-mère : un bocal transparent contenant une fleur de magnolia conservée dans de l'alcool à 90. Cela sentait vraiment très fort. Elle s'en servait contre les contusions pour la bobologie du quotidien. Un coup de marteau sur le pouce, un léger mal de tête, un peu de fièvre ? Pas de soucis : il suffisait d'imbiber un mouchoir de quelques gouttes de cet onguent puis de l'appliquer sur la zone endolorie pour que tout rentre dans l'ordre. Une potion magique dont ma grand-mère détenait seule le secret...
C'est sûrement pour cela qu'aujourd'hui encore ma grand-mère paternelle reste associée à la fleur du magnolia. Cette fleur étrange, si belle, perchée dans les hauteurs afin certainement de mieux préserver ses innombrables mystères. Parfois ma grand-mère en coupait une pour la disposer dans une coupelle d'eau dans la cuisine. C'était alors toute la maison qui se trouvait embaumée par cette odeur fraîche, citronnée, puissante et fragile comme un fil de soie, douce et entêtante à la fois, insaisissable, mais reconnaissable entre toutes.
Ce même arbre du jardin qui, lorsque sa parure toujours verte s'était ornée de blanc, embaumait l'air de sa fragrance si particulière les soirs d'été, la rosée tombante vaporisant dans l'air les parfums de la campagne assommée de soleil. Ces soirées passées autour d'une grande table, jusque tard dans la nuit, à refaire le monde à la lueur d'une lampe électrique accrochée sous le toit de la maison et qui en éclairait la cour, soutenue par quelques bougies dont la flamme vacillante conférait à l'instant une ambiance de bienveillante éternité.
Il est toujours là, cet arbre, fidèle au poste. Mais depuis quelques années maintenant, plus personne ne vient s'abriter sous sa ramure le temps d'une sieste. Les feuilles tombées au sol ne crépitent plus sous le pas des enfants d'antan dont les rires clairs s'éparpillaient dans l'air en tourbillonnant. Pourtant chaque été, dans le secret de cette alcôve de verdure aujourd'hui délaissée, se déploient inlassablement les exhalaisons nacrées du magnolia qui, jadis, ont ponctué mon enfance de souvenirs merveilleux.
Et à chaque fois qu'au gré de mon chemin je croise ce parfum si particulier, aussitôt rejaillissent en ma mémoire ces tendres images d'enfance, d'après-midi dans l'herbe et de farniente lascif sur le grand plaid bleu de ma grand-mère, à l'ombre du magnolia en fleurs.
Ce même arbre du jardin qui, lorsque sa parure toujours verte s'était ornée de blanc, embaumait l'air de sa fragrance si particulière les soirs d'été, la rosée tombante vaporisant dans l'air les parfums de la campagne assommée de soleil. Ces soirées passées autour d'une grande table, jusque tard dans la nuit, à refaire le monde à la lueur d'une lampe électrique accrochée sous le toit de la maison et qui en éclairait la cour, soutenue par quelques bougies dont la flamme vacillante conférait à l'instant une ambiance de bienveillante éternité.
Il est toujours là, cet arbre, fidèle au poste. Mais depuis quelques années maintenant, plus personne ne vient s'abriter sous sa ramure le temps d'une sieste. Les feuilles tombées au sol ne crépitent plus sous le pas des enfants d'antan dont les rires clairs s'éparpillaient dans l'air en tourbillonnant. Pourtant chaque été, dans le secret de cette alcôve de verdure aujourd'hui délaissée, se déploient inlassablement les exhalaisons nacrées du magnolia qui, jadis, ont ponctué mon enfance de souvenirs merveilleux.
Et à chaque fois qu'au gré de mon chemin je croise ce parfum si particulier, aussitôt rejaillissent en ma mémoire ces tendres images d'enfance, d'après-midi dans l'herbe et de farniente lascif sur le grand plaid bleu de ma grand-mère, à l'ombre du magnolia en fleurs.