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  • 17 novembre 2009

    Digressions métaphysiques

    Il y a un peu plus d'un an, je discutais avec un ami hétéro peu conscient de ce qu'implique l'homosexualité et la vie qui marche de pair avec elle.
    Au détour d'une phrase de notre conversation qui tournait autour du fait que je sois gay - l'ayant appris peu de temps auparavant, il avait quelque difficulté à l’admettre - j'eus la stupéfaction de l'entendre me demander, incrédule :
    - Mais...? Pour toi, c'est définitif ?
    - Hein ?
    - T'auras jamais de petite amie ?  T'auras jamais d'enfant alors ?
     Autant vous dire que ces deux questions assénées coup sur coup furent en moi comme deux coups de fusil, dont les détonations cinglantes m'éclaboussaient le visage d'une âpre et cruelle réalité dont je m'efforce encore aujourd'hui de m'abstraire.
    L'évidence est pourtant sous mes yeux.
    Non, jamais je ne me marierai avec une fille bien au teint de lait et dont l'opulente chevelure brune dévalera les épaules en cascades sauvages.
    Non, jamais je ne verrai grandir des enfants dont je serai fier, qui me causeraient tout autant de tracas qu'ils me procureraient de bonheurs indicibles.
    Jamais je ne comprendrai les affres de l'enfance dont la plupart de mes amis éprouvent en ce moment les joies. Jamais je ne me réveillerai la nuit en pleine angoisse par ce qu'il m'a semblé entendre des pleurs dans la chambre d'à coté. Jamais je n'aurai droit à un vilain cendrier en pâte à sel pour la fête des pères, ni ne mentirai sur l'existence du père noël, ni ne me réjouirait de les voir grandir tandis qu’ils observeraient mon visage se strier des rides ingrates du temps qui passe.
    Alors que beaucoup de mes amis sont engagés dans la construction d'une vie familiale qui les détache de certaines contingences désormais obsolètes, je reste à quai, dans l'immobilité et la stagnation d'une existence monocorde. Ce sont aujourd’hui des petits rien qui imperceptiblement pourtant nous séparent progressivement, nous éloignent, insensiblement, mais sûrement.
    Ma vie ne sera jamais comme la leur. Jamais.

    Tout au plus connaîtrai-je un charmant garçon et que nous ferons un bout de chemin ensemble, construisant notre vie autour de projets communs à défaut de famille à choyer. Nous resterons ensemble le temps nécessaire à ce que nous nous lassions l’un de l’autre ou que l’un d’entre nous commette une erreur fatidique à la survie de notre couple. Combien de temps cet Âge d’Or durera-t-il ? Six mois ? Un an ? Deux ? Douze ? Le chaotisme des couples Gays, dont je ne m'exclue pas, ne me donne guère envie de m'engager dans quoi que ce soit pour le moment ; la peur de la désillusion est trop prégnante. Les soubresauts du Destin l’ont encore prouvé récemment avec éclat.
    Tout plus suis-je enclin à profiter de la vie et de tout ce qu’elle offre en beautés, plaisirs et jouissances, de vivre chaque instant, entouré de mes amis dont certains me sont plus que chers. Faire des projets, rêver, me fixer des objectifs, donner un sens à ma vie.
    Vivre heureux.
    Mais immodérément seul.

    Car quoi que l’on fasse, on est toujours seul. On a beau être entouré de très bons amis que l’on aime intensément, dont on éprouve le besoin vital de voir régulièrement, avec qui l’on s’enivre, avec qui l’on ri, avec qui l’on pleure, avec qui l’on traverse la moitié du monde... rien n’y fait, rien n’y changera jamais. On est toujours ontologiquement seul.
    On aura beau s’extasier par la contemplation d’un beau paysage nous procurant milles émotions bouleversantes, jamais deux personnes côte à côte ne ressentiront exactement la même chose. Parce que chacun est unique, de par son passé, de par son histoire, par le fait que les souvenirs particuliers que le bruissement du vent dans les feuilles ramène à notre conscience nous sont propres, parce que les larmes intérieures que suscite une phrase musicale d’une beauté déchirante chez l’un, entraînera un autre sur des sentiers différents.
    Il paraît que rien ne dure, que c’est le propre de la Vie, l'éphémère.

    Plutôt que d’en pleurer et de m’apitoyer, je prends le parti d’Epicure : profiter, de tout, éventuellement jusqu’à l’ivresse, pour que, à l’heure où les Vestales décideront arbitrairement de couper le fil de mon existence, je puisse me retourner et contempler le vaniteux monticule de mes souvenirs, dont bientôt il ne restera rien.
    Ne rien laisser derrière soi… disparaître dans l’oubli et l’indifférence.

    Et n’être plus rien.
    Pour personne.


    The show must go on...
    Inside my heart is breaking !
    My make-up may be flaking...
    But my smile, still, stays on ! 


    Accessoirement, ce billet est le 100ème publié sur ce blog.
    J'eus préféré que le ton en fût plus léger. Mais la vie est ainsi faite.

    6 commentairess:

    1. On naît seul, on meurt seul.
      C'est aussi difficile à concevoir, réaliser, qu'à accepter.

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    2. "My soul is painted like the wings of butterflies
      Fairy tales of yesterday will grow but never die,
      I can fly..."

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    3. Le sens de la vie autrement que par la procréation. C'est déjà difficile pour certains gays, alors pour les hétéros...

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    4. Je ne sais pas quels sont les compliments d'usage pour une centième, mais le coeur y est : félicitations !
      Cependant, même si je partage ton mode de vie solitaire, j'ai deux amis qui ont fait le choix (et la réussite) de l'homoparentalité avec assistance médicalisée pour la procréation et qui élèvent leur fille dont les deux mamans n'habitent pas loin.

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    5. @ Anoucka :La solitude n'est pas forcément un problème, certains s'en accomodent fort bien et les amis sont un soutien précieux. Il en est autrement lorsque l'on sent un fossé se creuser peu à peu avec ses amis hétéros avec lesquels les préoccupations du quotidien vont dans le sens d'une divergence croissante.

      @ Kingluther : non non, l'extrait cité dans mon billet est le bon... :D

      @ Eric : Faut-il redéfinir le sens de la vie ? (vous avez 5 heures !). Plus sérieusement, il est fort possible de la concevoir autrement,tout n'est que question d'ambition, de volonté.

      @ François : Merci ;)

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    6. Redéfinir le sens de la vie... il me semble que les Monthy Python s'y sont attelé, et en moins de 5 heures... (every sperm is sacred...)

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