Attention, le billet qui va suivre est hyper personnel.
Je m'en fous, je suis chez moi et j'écris ce que je veux.
Que le lecteur un peu trop prude passe son chemin.
Je n'imaginais pas à quel point partir de Ville-Pourrie et quitter mon job pourrait m'être bénéfique. A l'issue d'un énorme pétage de plombs avant que d'y laisser la santé et un peu plus qu'une poignée de plumes, c'est tout un tas de petites choses dans ma vie qui ont changé. A commencer par un événement important : Cupidon a frappé à ma porte.
Cela fait donc presque deux mois que nous nous fréquentons et quelques mois de plus que nous avons véritablement noué connaissance. Une belle rencontre, une belle soirée, avec un garçon qui me donnait envie de le connaître, d'avancer un peu avec lui, de vivre certaines expériences, de faire un bout de chemin. Nous l'appellerons F.
Comme nous n'habitons pas la même ville, nous procédons par alternance. Un weekend chez lui, un weekend chez moi. Pour qu'il n'y ait pas de jaloux.
Chaque fois que nous nous voyons, nous passons des moments formidables. Soit à nous balader en ville ou à la campagne, à visiter avec une réelle gourmandise de culture, soit à nous faire des bisous affalés sur le canapé devant des séries. Et quand vient le moment de chacun rentrer chez soi, c'est un petit pincement au cœur qui nous étreint quoique nous discutions à longueur de journée par telle ou telle application de messagerie.
Tout est-il donc rose dans un univers de paillettes multicolores et d'arcs-en-ciel chatoyants ? Ben non... Non, tout ne va pas bien. Il est même un petit caillou qui entache ce qui ressemble à un joli début par une grosse et vilaine balafre.
Figurez-vous que ce garçon vit chez un autre garçon, son colocataire, qui est aussi son ex depuis 3 ou 4 ans maintenant. Le problème vient de leur relation fondée sur une sorte de "je t'aime / moi non plus" entrecoupé de chamailleries à peine admissibles d'un élève de sixième alors que nous avons affaire à des adultes au bord de la quarantaine...
F. m'avait expliqué. "Eh oui tu comprends, c'est mon meilleur ami, j'ai peur de le perdre... il peut tourner la page sur quelqu'un complètement, et ça, ça me fait peur". Quand je vois comment le coloc parle à F., c'est à dire souvent comme à une merde, je me dis que F. doit être aveugle.
Car le coloc est un personnage toxique, autocentré, célibataire chronique, doté d'une autorité mal placée, aigri et jaloux. En gros : un connard. Et je ne le supporte qu'assez peu...
Lorsque nous sommes chez eux, rien n'est simple car nous sommes en réalité chez son colocataire qui régente tout et ne supporte rien. Célibataire, il ne supporte pas de nous voir nous embrasser, ni de nous voir nous faire des câlins, ni rien du tout. Et je ne vous parle pas dans le menu détail des conséquences sonore de la fine épaisseur des cloisons et de ce que cela interdit en sa présence diurne comme nocturne...
Lorsqu'il est là, c'est à dire tout le temps, la maison se plie aux ordres de Son Impériale Suffisance, F. est au garde à vous et n'ose en rien le contrarier, oubliant par là-même que je suis présent et que, n'étant pas chez moi, il se peut que je me sente particulièrement mal à l'aise.
A tel point qu'il y a trois semaines, sur les coups de midi trente, alors que j'étais chez eux en train de lire et que F. servile comme à son habitude ne disait rien pour faire avancer un peu la situation, j'ai pété un plomb et suis parti faire un tour dehors en attendant que Sa Sérénissime Aigreur qui monopolisait le salon ait fini de jouer à un jeu vidéo pour que l'on puisse enfin passer à table... Je n'avais qu'une hâte : rentrer chez moi. Au bout d'un moment, ne me voyant pas revenir, F. est venu à ma rencontre, un peu inquiet.
Nous avons discuté. Beaucoup. Et je lui ai dit que l'attitude de son coloc que mettait très mal à l'aise, que je ne me sentais pas accueilli et que j'avais aussi du mal à trouver ma place dans leur relation... F.s'est alors mis à pleurer, en me disant que j'étais le quatrième à lui dire ça, et que les trois autres avant moi l'avaient quitté après lui avoir fait la même remarque. Pour rude que soit ce constat, il avait au moins un point positif : cette perception des choses n'était pas la conséquence d'une distorsion mais bel et bien une réalité objective puisque j'étais alors le quatrième à la vivre !
Je ne sais plus exactement comment s'est finie la conversation mais j'espérais que cela provoque un électrochoc chez lui, un début de réaction.
Manifestement cela n'a pas suffi....
Vendredi dernier, alors que je devais aller le voir, quelque chose dans nos échanges me laisse penser que quelque chose ne tourne pas rond. Bingo ! J'apprends que son coloc a encore pété une durite et qu'il refuse que je mette un pied chez eux. Ben voyons ! Quand je dis que je me sens reçu là-bas...
Une discussion envenimée s'ensuit au terme de laquelle je dis à F. que je ne viendrai pas, du tout, et qu'il mettra sûrement à profit son weekend pour discuter seul à seul avec son colocataire. Il pleure, me supplie de venir, m'inonde de messages que je ne regarde pas (j'ai ma journée de boulot à tenir moi !) avant d'y jeter un coup d’œil en fin d'après midi. J'ai presque l'impression qu'il va me dire de tout arrêter. Je le sens vraiment mal. Je lui réponds, le rassure, non ce n'est pas contre lui, mais l'attitude de son coloc est impossible, insupportable. "Mets-toi à ma place ! Crois-tu que dans ces conditions j'ai envie de venir ?"
J'appelle une amie, discute avec un pote, pour leur exposer la situation, avoir leurs avis. J'y vais, j'y vais pas ...? Je le sanctionne (et me prive aussi d'un joli weekend avec F.) pour le comportement de son salopard de coloc ? Une chose est sûre : il a vraiment eu peur que prenne cette querelle avec son coloc comme prétexte pour qu je le quitte. Il ne voit pas que ce n'est pas un prétexte mais un réel problème...
Finalement, après avoir beaucoup hésité et obtenu des conseils allant dans le sens de rester chez moi, j'y vais quand même. Pour être clean et n'avoir rien à me reprocher. Je le lui dis, il est heureux.
Nous passerons un super samedi au soleil et terminerons la journée le sourire aux lèvres.
En revanche, le dimanche matin, lorsque je me lève, le coloc est déjà levé, au milieu du salon, en train de regarder un film. Levé avant moi, F. est également assis dans un coin du canapé et ne dit rien. Silence de mort, ambiance lugubre et pesante...
J'entre sur la pointe des pieds, me sers un café, attends que l'on me propose quelque chose à manger, en vain. Personne, pas même F., ne fait attention à ma présence. Je coupe alors un petit bout d'une baguette abandonnée sur le comptoir de la cuisine que je tartine d'un peu de beurre et vais m'asseoir, moi aussi...
Le film se termine, le coloc enchaîne sur un autre, sans piper mot, ni nous regarder, ni décocher la moindre esquisse de sourire. F. est impassible et me regarde à peine, hypnotisé par la télévision ou assommé, je ne saurais dire. Je lui rappelle tout de même que nous devons aller pique-niquer et qu'il ne nous faut pas trop traîner, ce qui l'active un peu.
Finalement nous partons. Le coloc est toujours dans la même position au même endroit, le visage biffé d'une grimace immobile.
Dans la voiture, je fais remarquer à F. que son coloc était encore une fois exécrable, et que j'ai faim... Il rigole. Je lui dis que je n'ai presque rien mangé depuis la veille au soir. Il réalise alors que, obnubilé par le comportement de son coloc dont il ne savait pas s'il allait déclencher la grêle ou la foudre, il n'avait même pas pris la peine de l'hospitalité la plus élémentaire à mon égard. Une larme perle sur sa joue. Il est touché au vif.
Malgré cela, nous passerons encore une belle journée à la plage, à siester au soleil, à faire les idiots dans les vagues, à regarder les coquillages que j'avais ramassés.... Une belle journée, oui, comme j'imagine les gens qui vont bien ensemble en passent régulièrement et comme nous en passons à chaque fois que nous sommes ensemble, tous les deux, hors la vue de celui qui s'évertue à parasiter sa vie.
Devant repartir le soir même et voulant éviter les bouchons, je lui propose que nous allions au restaurant, tous les deux, pour terminer la journée, avant que je ne reprenne la route. L'idée lui plait. De retour à l'appartement, son coloc est toujours là, dans le noir, les volets baissés, la télé allumée, devant un film. Il ne nous adresse ni la parole ni un regard. Excédé, je fais remarque à F. que cette attitude est impossible. F. me confie même "Oui, là c'est pire que tout !". Mais F. ne fait rien et laisse son colocataire envahir l'appartement de sa présence malsaine.
C'en était trop... j'étouffais. Je ne pouvais pas rester là en faisant semblant que tout allait bien ni encaisser encore une fois les sautes d'humeur de Monsieur Grise Mine. Alors, empoignant F. qui sortait de la salle de bains, je lui dis que, non, nous n'allons pas au resto, que je rentre, tout de suite, et qu'il doit parler à son colocataire.
F. reste complètement hébété, me regarde les yeux vides, "Ne m'abandonne pas...." gémit-il. Je reviens vers lui, l'étreint fortement et pars sans me retourner, le laissant seul, et silencieux... Je démarre, je roule, je pleure, j'enrage, je hurle de douleur dans ma voiture. Ça fait terriblement mal.
Pendant ce temps le téléphone crépite de ses messages que je ne regarde pas. Je sais qu'il est super mal. Je ne sais pas si je dois m'en réjouir ou m'en foutre... Je ne sais pas s'il y a encore un nous.
Il appelle, je décroche, on parle. Il est en pleurs. Il dit qu'il n'aurait jamais dû me laisser partir comme ça, il aurait dû me rattraper. Je pleure aussi. C'est dur. Je suis direct, pris par ma colère envers cette tierce personne qui nous cause tant de larmes depuis trois jours.
Je discute ensuite avec des amis. Leur présence, leur soutien et leurs conseils sont réconfortants. J'ai de la chance de les avoir...
Ce matin, après une bonne nuit de sommeil, quelques messages à mon réveil. Il dit qu'il a enfin pris conscience que son coloc est toxique, que la situation ne peut pas durer et qu'il va faire ce qu'il faut pour que cela change. Pour le rassurer, je redis que le but n'est pas d'éjecter son coloc de sa vie, mais de l'éjecter de sa vie privée, de son intimité parce que sa présence interfère sur des choses avec lesquelles ça ne devrait pas.
Toxique. C'est la première fois qu'il emploie ce mot à son sujet. C'est un pas énorme, déjà, cette prise de conscience. Car c'est la réalité. Ce mec est toxique. Sa présence destructrice.
Pourquoi n'est-ce jamais simple mes histoires avec les gars ? Peut-être par ce que, comme d'autres, je suis une personne qui n'aime pas le conflit. Ou que j'attire des personnes qui ont besoin d'un pilier stable, qu'ils croient trouver en moi, alors qu'en réalité j'en ai tout autant besoin, mais qu'en face l'autre a les pieds dans le sable...
Je ne vais pas tout casser, parce que je tiens à lui et qu'on fonctionne très bien ensemble, ce qui ne m'était jamais autant arrivé. Je lui ai dit que maintenant la balle était dans son camp. Voyons ce qu'il en fait, s'il agit. Car il faut prendre des décisions et passer aux actes. Les belles paroles sont inefficaces sans action.
En tout cas, je ne pourrai plus supporter les sautes d'humeur de son colocataire. Il doit prendre ses responsabilités et faire en sorte que cela ne puisse plus se reproduire. Trois avant moi le lui ont déjà dit pour le quitter. S'il tient à moi autant qu'il le dit, il ne me laissera pas être le quatrième. Et cela me ferait bien chier de l'être par ce que, au fond, je commence à bien m'attacher à cette petite canaille avec qui je ne m'ennuie jamais et avec qui, m'a-t-on dit, j'avais l’œil qui pétille.
A suivre...