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  • 22 septembre 2014

    Entre l'arbre et l'écorce

    Le sentiment qui domine malgré moi depuis mon arrivée à Montréal, se résume à l'âpreté de la frustration. Hélàs non, même si ce n'est pas le bilan que je voulais tirer, ni celui que l'on me souhaiterait vouloir exposer, je ne me suis pas pleinement épanoui ici. Pas encore. 

    Je ne voudrais surtout pas que vous puissiez croire que je suis malheureux. Pas du tout. Pour l'instant je ne suis simplement pas aussi heureux que je pourrais l'être, faute de sécurité et de ressources financières suffisantes pour profiter pleinement de tout ce qui m'entoure et de tout ce que peut m'offrir Montréal. Voilà, en partie, la source de ma frustration.

    Le premier point réside bien évidemment dans ma situation professionnelle qui n'est pas encore débloquée. J'ai pas mal avancé depuis février, repassé des examens, validés des diplômes et gravi quelques marches indispensables à mon implantation ici. Je n'ai pas chômé. Mais cela ne suffit pas.

    Car quoi que l'on en dise, et quoi que l'on puisse lire ici ou là, encore il y a quelques semaines dans un numéro spécial de Le Point consacré à la Belle Province, le Québec n'est pas l'El Dorado que l'on veut bien nous vendre à coup de grands espaces verdoyants, de lacs extraordinaires et de pub racoleuses. Le travail ici ne se trouve pas sous le sabot d'un orignal, surtout pour un non-Québécois. J'irais même jusqu'à dire qu'il y a une forte distortion entre le message officiel à destination des Français : "Venez !" - et la réalité du terrain : "Venez, mais pas trop..."

    Trouver un boulot ? Je n'ai pas le choix.
    D'une part parce que j'en ai trop fait pour renoncer maintenant.
    D'autre part parce que je suis convaincu que cela en vaut le coup, à tous les niveaux.
    Enfin parce qu'il en va aussi de mon orgueil personnel. Je ne tiens pas à rentrer la queue entre les jambes (c'est une simple image) comme le fils prodigue, penaud de n'avoir pas fait la fortune qu'il croyait. L'idée m'est autant insupportable qu'inconcevable.

    Heureusement j'ai pour moi un réseau d'amis ici qui est conscient de ma situation et m'aide en me relayant tout un tas d'informations, qui parle de moi (en bien), bref qui me fait connaître aux oreilles d'employeurs potentiels. C'est encore une fois une différence fondamentale d'avec la France : ici il faut se faire connaître et réseauter à mort. C'est la règle du jeu.

    Cet état de faits génère inévitablement un stress quotidien assez évident qui rejaillit sur mon couple et exacerbe les tensions qui peuvent surgir.

    La vie de couple c'est avoir à deux des problèmes que l'on aurait jamais eus tout seul, dit un aphorisme usé jusqu'à la corde. C'est pourtant vrai. Et si depuis presque 8 mois que nous vivons sous le même toit nous ne nous sommes pas encore entretués, cela ne veut pas dire pour autant que tout est rose. Il s'en faut parfois de beaucoup.

    Outre le choc des cultures inhérent à toute transplantation d'un élément étranger dans son nouveau biotope (ce qui produit à l'occasion quelques belles étincelles), nous sommes lui et moi très différents.

    Notre vision de la vie tout d'abord, est en totale opposition. Moi je suis fonceur, je vois les choses six mois à l'avance, j'ai besoin de projets, je suis en perpetuelle projection, j'aime que la vie aille à 200 à l'heure, faire 10.000 choses dans la journée. Je suis bosseur, ambitieux, sur-motivé.... Je veux voyager, bouger, voir du monde et voir le monde. Rien que le fait de lui en parler, ça l'angoisse.

    Voyager ne l'intéresse pas plus que cela. Il aime à me rappeler que le bon Québecois de base est fier de pouvoir dire qu'il n'a jamais quitté le Québec de toute sa vie. Et moi qui ne rêve que de retourner au Mexique, en Argentine voir des amis un peu partout et faire le tour de l'Uruguay... Frustrant.

    Lui, une activité par jour lui suffit. Et s'il pouvait n'avoir à jamais sortir de chez lui, ce serait parfait. Il préfère passer ses journées dans le canapé à regarder des séries à base de Sidney Fox et autres téléromans pour ménagère de moins de 50 ans.

    Le pire est qu'il prend un peu trop ce qu'il voit à la télévision pour argent comptant. L'autre jour encore, je ne sais plus comment nous en étions arrivés là, nous parlions tentative de suicide. Il m'exposait, avec tout l'aplomb dont il est capable, que au Québec, une personne ayant fait une tentative de suicide pouvait être enfermée dans un hôpital psychiatrique contre sa volonté - parfois plus d'un an ! - et déchue de ses droits. Comme en prison. Moi, pris d'un gros doute, je lui explique que c'est probablement inexact et en tout cas exagéré. "Mais si ! Je le sais ! C'est comme ça !". 
    Aussitôt, déformation professionnelle oblige, je fais une rapide recherche. Inévitablement, ça l'énerve que je ne le croie pas et que je cherche. En quelques minutes, je tombe sur un rapport de 100 pages du ministère de la santé du Québec sur ce sujet précis. En quelques lignes, j'avais trouvé tout le protocole médical applicable à ces cas d'espèce et démonté du même coup l'ensemble de ses allégations erronées.
    "Ha pourtant je l'avais vu à la télé...
    - Où ça ??
    - Dans une série américaine...
    - ....................
    - Je les croyais plus documentés.
    "
    Ce sont des choses qui arrivent régulièrement, engoncé qu'il est dans une série de convictions dogmatiques, fondées sur une vision un peu trop manichéenne des choses. Et l'on se chicane presque à chaque occasion, parce qu'il n'aime pas être contredit, parce que - soit disant - je joue avec les mots et que, au fond cela revient au même, que les intellos le font chier et que "c'est de l'enculage de mouches". Paf, dans les dents.

    Un autre point important de la personnalité de mon bûcheron, est sa propension exponentielle à dramatiser. Un rien est prétexte à faire la diva, à se dire déprimé pour un oui ou un pour un non, sans jamais se donner les moyens de passer par dessus et de remédier à ses angoisses. À cet égard, il n'a aucune volonté. De même, la frustration lui est inaccessible, même au degré le plus élémentaire. Ca me rend malade. Il me reproche parfois de ne pas faire preuve d'assez d'empathie - et de parfois m'éloigner, ce dont j'ai besoin pour mon équilibre mental et personnel. Mais je ne sais pas comment aider quelqu'un qui reporte la cause de ses maux sur les autres et qui ne se bouge pas un minimum le cul pour se sortir de là. Âne qui n'a pas soif...

    Si je n'ai que peu d'expérience conjugale, lui a, au contraire vécu 9 ans avec celui qui est aujourd'hui son meilleur ami. Relation très conflictuelle, constellée de disputes plus ou moins âpres et de rupture violentes. Il en sort assez blessé, même s'il n'en parle pas souvent. À le regarder vivre, je suis à peu près certain que 90% des motifs de disputes venaient de son ex. D'ailleurs il me le dit assez souvent : " Vivre avec toi c'est tellement facile !" Je ne suis pas sûr qu'il perçoive tout ce que cela implique comme concession et abnégation de ma part face à certains de ses caprices et l'inconfort relatif qui en résulte. J'encaisse pas mal en réalité, et lui passe beaucoup de petites choses, à commencer par sa manière de ne pas gérer le désordre domestique de notre foyer. "Il faudrait" fait partie de ses expressions favorites. Frustrant, là aussi, pour quelqu'un habitué à prendre le taureau par les cornes.

    La semaine dernière son ex et son mari se sont disputés et sont partis chacun de son côté. Indirectement on s'est rapprochés car, en parlant, on s'est aperçu que l'on s'était un peu éloignés et que certaines choses n'allaient pas, qu'on n'avait pas pris du temps pour nous depuis un petit bout de temps. On a donc pris notre mercredi pour aller nous promener dans les Laurentides.

    En juillet dernier, il s'était foulé une cheville et avait mal au pied depuis plusieurs semaines. Bien entendu, il se plaignait à longueur de journée mais n'allait pas consulter... tête de mule !

    Un jour, on était chez des amis, nous devions prendre la voiture. Je déteste conduire à Montréal. Il me dit, d'un ton militaire du plus désagréable : "Tu conduis !" presque en me jetant les clés au visage.
    Je le regarde, avec tout le dédain dont je suis capable, et lui dis calmement mais fermement : "Non".
    S'engage une discussion un peu houleuse.
    - Bah, tu peux conduire tout de même !
    - Non, j'en n'ai pas envie du tout.
    - Ah oui mais tu comprends j'ai mal à la cheville !!
    - Et alors ? Ca t'empêche de conduire ?
    - Non.... mais ca me soulagerait un peu si tu pouvais conduire.
    - Et tu pouvais pas le dire comme ca ? On demande leur avis aux gens dans la vie...
    - Oui mais quand même...
    - Hé bien la prochaine fois tu réfléchiras !"
    Le lendemain, il me demandait si je voulais bien prendre le volant, de la manière la plus correcte qui soit. Et cela n'a pas changé depuis. Tambour Major 1 - Chéri 0.

    Je mets ça sur le dos de ses 9 années (houleuses donc) avec son ex qui ne l'ont probablement pas aidés à se construire ni à nouer une relation harmonieuse a-conflictuelle. Car, même si je n'ai pas beaucoup d'expérience en la matière, j'ai autour de moi pas mal d'exemples familiaux, d'oncles un peu retors à "dompter". On apprend beaucoup à observer les autres.

    De par son activité professionnelle, son emploi du temps se trouve très alambiqué et peu structuré. Cela rejaillit inévitablement sur son mode de vie. Là aussi c'est une différence forte. Ce n'est pas toujours facile à gérer.

    Frustration et sensation d'inaccompli...

    Je me sens parfois un peu prisonnier de cette situation que j'ai voulue, un peu à l'aveugle il est vrai. D'être pris entre l'arbre et l'écorce. On ne découvre les gens qu'en vivant avec eux.

    Au fond, je crois que notre différence est une richesse : lui m'apporte un souffle  - parfois une tornade - de folie, moi l'angulosité d'une certaine forme de rigueur (sans rigorisme). Il me divertit. Il est très drôle, avec une énergie hors du commun. Moi je l'appaise, je le rassure. Avec lui, je ne m'ennuie jamais. On est tellement différents, mais au fond tellement complémentaires. C'est vraiment un garçon aimant, qui m'aime et que j'aime. Je le sens plein de bonne volonté et attentif, malgré la jungle mentale dans laquelle il vit.

    Quoi qu'il en soit, être loin me rend la fuite impossible, ou nettement plus compliquée. Je crois en fait que c'est une chance. La distance contraint. Le temps permet d'aller un peu plus loin que la surface des choses et des personnes.

    Pour le moment ce que je découvre m'encourage à rester ici, malgré l'hiver qui m'attend, gardant en tête  - et en souhaitant de toutes mes forces - que, à n'en pas douter, le meilleur reste à venir.

    12 commentairess:

    1. Bah voilà ça fait du bien :)
      Vous avez le temps pour vous et c'est un atout.
      Puis quand tu trouveras ton travail ,c'est obligé vous trouverez un rythme de croisière.
      Bon courage :)

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    2. ... petit à petit ... l'oiseau fait son nid ! ... dit on ! (Commentaire léger;-) (comme une plume; -)

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    3. Rien de grave en soit... on ne peut pas vivre avec son jumeau et l'homme parfait n'existe pas, bref tu vis une vie de couple normale :-)

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    4. Je te souhaite de trouver rapidement du travail, cela changera les données et sera plus confortable et rassurant pour toi.

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    5. Libérer la parole n'est une science, c'est un art ...

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    6. Content de savoir que chez les ours et les phoques, ça se passe "comme ici"! :)

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    7. Après lecture de ton billet, je me reconnais bien dans ta description personnelle mais aussi pour celle de ta moitié qui ressemble furieusement au mien, bien que pour l'angoissé de service, ce n'est pas trop lui mais moi... Je me pose cependant encore des questions sur ses réactions concernant le mariage et autres... Bref !
      Je connais une personne (suivez mon regard) qui m'a un jour dit que la communication était la clé de tout (ou presque). Et depuis j'applique (enfin j'essaie) cette maxime dans toutes les situations qu'elles soient conflictuelles ou bien de la vie de tous les jours. Ca marche plus ou moins bien mais ce qu'il faut retenir, c'est qu'il faut savoir être patient... Car comme le dit si bien Tto, libérer la parole est tout un art :)

      Donc courage pour la suite qui, je pense, sera encore meilleure pour toi et ton couple :)

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    8. La vie de couple est un art qui se cultive jour après jour :)

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    9. Au fur et à mesure que je te lisais, je me disais.. aïe... mais je me disais aussi, la complémentarité, c'est important, deux personnes qui ont le même caractère, pour moi, ça ne colle pas. Il faut des étincelles pour faire démarrer le moteur, hein !.
      Et puis, j'ai lu ta conclusion, tournée sur l'avenir, et pleine d'amour. Vraiment j'ai trouvé ce billet très sincère, très... beau.
      Et je suis sûr que tu vas vivre une longue histoire d'amour.

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    10. ""c'est de l'enculage de mouches". Paf, dans les dents."

      Alors euh, à priori, non.
      ;)

      yann f

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    11. Eh bien, moi et Mr O, après huit ans, ça ne finit pas de continuer, avec de grands, voire d'immenses bas et d'énormes hauts... Et nous sommes diamétralement opposés, ce qui confirme la règle. Et puis, je persiste à penser qu'on soude un couple par les bas, et pas par les hauts mais ça, c'est uniquement d'après mon expérience personnelle, et si on surmonte les épreuves, bien entendu.

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