J'en ai déjà parlé ici à plusieurs reprises. J'exerce un métier dont je n'ai jamais rêvé et dans les traits duquel je me glisse chaque jour, afin de donner l'illusion que ce costume est fait pour moi. Histoire de donner le change.
Longtemps je n'ai pas cru à la valeur de ce que je faisais. Longtemps je ne me suis pas reconnu dans l'image qui se reflétait dans la pupille de mon interlocuteur lorsque je lui parlais. Peu à peu, gagnant en confiance, je me suis mis à croire que la déférence que l'on m'accordait m'était réellement due, et que j'avais fini par devenir celui que je prétendais être.
Mais régulièrement le doute m'assaille. Des questionnements terribles me travaillent. Ma légitimité. Mon plaisir. Mon utilité. Ma place, dans ce bourbier.
Cela se passe par vagues. Certains jour, mon miroir me renvoie l'image fière d'un lion rugissant. D'autres, mon reflet est davantage celui d'un chaton, ou d'un raton-laveur. Mais, au fond, lequel des trois suis-je ? Lion, chaton ou raton ? Peut-être aucun...
Peut-être même le raton-laveur, qui se rêvait lion, est-il en réalité une girafe, un koala, ou un bigorneau.
Ainsi, le sentiment qui, au milieu de l'été, me poussait à arrêter ou du moins à réfléchir à l'organisation de mon travail et qui s'était estompé avec le repos des vacances, repointe le bout de son nez, avec la même acuité que naguère. Un sentiment de raz-le-bol.
Raz-le-bol de danser sur un fil tendu au dessus d'une mare de crocodiles. Raz-le-bol de ce sentiment d'insécurité constant dans chaque acte de mon quotidien, le moindre battement de cil pouvant ouvrir la porte à des emmerdement intersidéraux. Songez qu'en raison d'une seule fausse note ou d'un léger faux-départ, un musicien d'orchestre soit à l'origine de l'annulation de tout un concert. Impensable, non ? Je suis pourtant ce musicien-là.
Le plus cocasse est que j'ai l'impression que ce sentiment d'imposture me conduit, plus ou moins consciemment, à commettre des boulettes pour m'auto-saborder indirectement. Cette semaine en est l'exemple parfait. Heureusement beaucoup sont rattrapables mais cela surajoute au raz-le-bol général dont la coupe est largement pleine.
Ou peut-être est-ce tout simplement mon subconscient qui me hurle d'arrêter ce boulot...