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  • 17 juin 2010

    Quai d'Orsay - Chroniques diplomatiques

    Arthur est un peu stressé ce matin là. Il a rendez-vous en haut lieu. En très haut lieu. Je dirais même un rendez-vous au sommet. Dans quelques minutes il va rencontrer Alexandre Taillard de Vorms, le Ministre des affaires étrangères. C'est un rendez-vous important vous comprenez, qui risque de changer sa vie. Ça c'est sûr, et Arthur n'imagine pas à quel point ni de quelle manière.
    Pénétrant dans le boudoir comme un ouragan dans un clapier, le tempétueux Taillard de Vorms propose à Arthur de l'intégrer dans sa garde rapprochée. Sa mission ? Les "langages", autrement dit la rédaction de ses discours. Arthur ne le sait pas encore mais il vient sans le vouloir d'être happé dans la quatrième dimension, celle des cabinets ministériels, des secrets d'alcôve, des coups-de-putage, des réseaux d'influence, en un mot : de la diplomatie, à la sauce Taillard de Vorms. Autant vous le dire tout de suite : Arthur n'est pas au bout de ses peines !

    Basée sur la véritable histoire du scénariste, Abel Lanzac, qui fut conseiller de Dominique de Villepin (car c'est bien de lui dont il s'agit dans cette bande dessinée) Quai d'Orsay est un véritable petit bijou. Le lecteur est plongé au cœur d'une gigantesque machine dont personne ne semble véritablement comprendre le fonctionnement hormis le Taillard de Vorms lui même, un peu comme si l'on pénétrait à l'intérieur du château de Franz Kafka. La politique internationale y prend une dimension étourdissante articulée non pas autour de mécanismes simples mais structurée par de vagues concepts abstraits intellectuellement séduisants quoique vide de sens, loin, très loin des préoccupations des petites gens, concepts à la portée des seuls grands de ce monde, et encore... Arthur va ainsi découvrir les joies de l'humiliation, les discours devant l'ONU, du diplomatiquement correct, les nuits de travail interminables à écrire et réécrire un discours dont les exigences varient d'une heure à l'autre sans crier gare, les sautes d'humeur d'un homme impatient que rien ne semble pouvoir arrêter si ce n'est un stabiloboss usé, les coups bas entre conseillers... " Quand tu fais un coup de pute à quelqu'un, c'est pas que tu lui veux du mal. C'est comme une caresse. Ici c'est comme ça qu'on fait l'amour "  lui confiera un collègue.

    Le personnage de Taillard de Vorms est vraiment spectaculaire, charismatique, qui semble constamment planer à des kilomètres au dessus de la masse plébéienne. Il faut accorder une mention spéciale au rendu des mouvements du Ministre, d'une rare amplitude, qui en font un véritable courant d'air, au point que chacune de ses entrées est ponctuée par un violent claquement de porte "VLON". Le travail sur  la restitution de sa diction est en outre très soigné : je me suis amusé à lire le texte en ayant la voix de Villepin en tête et je puis vous assurer que je m'y suis cru, ça marche du tonnerre ! Le choix des mots, les intonations, les phrases sibyllines, tout y est ! Un véritable régal.

    Contrebalançant ce personnage étourdissant, vient la figure du flegmatique Maupas, toujours calme et presque serein même lorsque tout est au plus mal et qu'une crise internationale menace la paix mondiale. Un personnage dont apprend finalement assez peu de choses, presque avare de ses mots, mais dont on comprend qu'il est en quelque sorte l'âme du lieu, celui qui connait les ficelles du métier et tire du bout des doigts des cordelettes invisibles grâce auxquelles le fragile équilibre du monde est préservé.
    Je ne vous passerai pas tous les personnages en revue, il y en a un certain nombre et sont tous plutôt bien travaillés.


    Au final Quai d'Orsay est un ensemble riche, très vivant, à l'humour subtilement décalé  (j'ai franchement bien ri à de nombreuses reprises) et servi par un trait incisif relativement souple qui donne au dessin vivacité et panache. Bref, une réussite !
    La première page indique "Tome 1", ce qui signifie qu'il y aura sûrement un tome 2. Vue la vitesse à laquelle j'ai dévoré les 96 pages, je ne vous cache pas que j'ai hâte d'en lire la suite !

    Quai d'Orsay - Chroniques diplomatiques
    par Blain et Lanzac
    Edité par Dargaud

    4 commentairess:

    1. Preum's ;o) Plus sérieusement, je l'ai lu et partage ton avis. Des amis de famille qui ont travaillé dans des cabinets m'ont confirmé que ça leur rappelait leur vécu. Ce qui fait un peu peur non?

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    2. ah ça donne envie :D vais le chercher

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    3. Cette BD me titillait depuis quelques semaines, ton billet aura finalement été le coup de grâce : je viens de le commander sur Amazon !

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    4. Et hop, dans la liste de courses.

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