
Cette semaine a vu en effet le couronnement de longues années d'études et l'obtention d'un respectable grade universitaire qui me faisait rêver alors que j'usais mes jeans sur les bancs des amphithéâtres. Il y eut ce jour là des instants magnifiques, des témoignages amicaux sous toutes
les formes possibles, certains m'ont particulièrement touchés et j'en
suis très heureux. D'autres ont brillé par leur absence et je leur en veux cruellement. Je ne m’appesantirais pas non plus sur la fierté
incommensurable que j'ai pu lire dans le regard de mes parents. Oui,
pour une fois dans ma vie, je les ai vus et sus fiers de moi, même s'ils
ne l'ont pas dit textuellement et que mon père est bien trop mal à
l'aise avec ses propres sentiments pour m'en avoir soufflé le moindre
mot. Il est des signes qui ne trompent pas...
Pourtant, alors que je suis parvenu au bout de ce long labeur avec les honneurs académiques et la gloire d'une journée qui se devait d'être la mienne, je n'éprouve rien. Ni joie, ni réelle satisfaction, ni soulagement, ni quoi que ce soit qui me rende ces heures réellement inoubliables. Au contraire. D'un point de vue strictement personnel et professionnel, ne reste qu'une sensation de demi-teinte, pleine de grisaille et d'un puissant sentiment d'inachevé, un jour médiocre, un jour que j'oublierai, certainement.
L'université est une machine à broyer les hommes. Je croyais l'avoir vaincue, elle m'a décoché une flèche empoisonnée dans le dos, d'autant plus insidieuse qu'elle est invisible à ceux qui n'en sont pas victimes. A mon égard elle est la pire qui soit : me donner l'impression que je suis nul...
Aujourd'hui la "logique des choses" voudrait que je remette sur le métier mon ouvrage afin de le préparer à affronter un nouveau minotaure dans quelques mois, puis éventuellement un second par la suite. Mère ingrate, Chronos des temps modernes, insatisfaite de dévorer ses enfants, l'université jette les survivants en pâtures à d'autres sirènes dont le chant est séduisant mais les dont les récifs sont mortels. C'est un rituel immuable chaque année : l'aléa des qualifications au CNU en février, puis la roulette truquée des recrutements en juin. Renoncer à se lancer dans cette course en terrain miné paraîtrait incompréhensible au yeux de tous.
Déjà hier, mais aujourd'hui plus que jamais, je m'interroge. Où est ma route ? De quoi ai-je envie ? Est-ce une connerie de renoncer sans même essayer ? Pourquoi ai-je la nausée en revoyant certains "collègues" ? La question est d'autant plus prégnante que, à coté de cela, j'ai entrepris une formation professionnelle dans laquelle je m'éclate et me sens bien, vraiment bien, même si ce n'est que le début. Alors ...?
Je crois qu'il va me falloir un peu de temps pour faire le point.