C'est empreint d'un sentiment de tristesse mêlée de colère que je me couchais fort tard hier soir en essayant de trouver un sommeil qui ne venait pas.
Tristesse des résultats, quoique l'on ait pu annoncer et depuis plusieurs semaines, une avancée significative de l'extrême droite dans les sondages. Les sondages, davantage annonciateurs d'une tendance que de la réalité d'un scrutin. De nombreux précédents démontrent qu'il faut rester méfiants à leur égard. Les résultats sont pourtant là, accablants.
Tristesse parce que je croyais, en éternel optimiste que je suis, et probablement passablement naïf, que cela n'irait pas jusque là, que les électeurs se dégonfleraient sur le chemin des urnes et qu'un éclair de lucidité les ferait renoncer à ce vote toxique à bien des égards. Naïf, oui, je l'étais.
Tristesse parce que cette soirée m'a aussitôt replongé ce dimanche 21 avril qui avait pourtant si bien commencé. Des amis, une après-midi toute en musique à chanter le Requiem de Duruflé... Et puis lorsque groupé autour de la télévision chez des amis vint l'annonce des résultat, les sourires qui s'estompent, les visages se font graves et les mines dépitées. Abasourdis, viennent les premiers commentaires, l'impensable était arrivé. Et l'histoire se répète.
Colère de constater que depuis treize ans, rien n'a changé. Que malgré les manifestations qui s'en étaient suivies entre les deux tours, en dépit des déclarations de toute part, la bête immonde avait continué son travail mortifère. Lentement mais sûrement. Et qu'aujourd'hui l'annonce d'un désastre à venir est tonitruante.
Colère des discours qui ont ponctué la soirée. Des manœuvres basses et lâches, de cette cuisine politicienne qui fait justement tout ce dont l'extrême droite aime à se repaître, attisant de plus fort sa vigueur grandissante.
Colère contre les électeurs, aussi, aveugles au point de ne plus voir l'évidence, sourds au point de ne plus être capable d'entendre et de comprendre la merde qu'on leur vend.
Colère contre les médias, ces laveurs de cerveaux, ces faiseurs d'abrutis, qui à coup d'émissions débiles et crétinisantes destinées à "fabriquer du temps de cerveau disponible" font progressivement perdre à nos concitoyens cet outils si précieux qui s'appelle l'esprit critique...
Colère enfin en écoutant sur France Info et cette étude selon laquelle le Front National serait aujourd'hui le premier parti de France chez les jeunes de 18-24 ans. Qu'est-elle devenue cette jeunesse qui scandait naguère qu'elle emmerdait le Front National ? Qu'a-t-elle fait pour que son message se soit si vite estompé ? Lui a-t-on à ce point lavé la tête pour qu'elle ai oublié ses promesses d'hier ?
De Charybde en Scylla, entre tristesse et colère, et un sommeil qui ne venait pas. Autant dire, mais cela n'étonnera personne, que ce matin, j'avais un peu, et comme probablement beaucoup de monde, la gueule de bois.
J'entends la colère et, pour autant qu'elle soit salutaire et constructive, elle est un sentiment que je partage. Cependant, je crois que ta colère oublie une donnée importante du problème : les abstentionnistes.
RépondreSupprimerParce que bon, n'oublions pas comme je l'explique aujourd'hui que les abstentionnistes sont complices de ce que tu dénonces en augmentant artificieusement la lame de fond. 20 millions de français n'ont pas jugé bon de se déplacer hier alors que le système de procuration (pour ceux qui feraient face à un réel empêchement) est des plus simples. C'est donc que leur complicité est totale et que l'on trouve des excuses dans la médiocrité de l'offre ou la situation difficile, tout le monde subit les mêmes facteurs et pourtant, certains vont encore voter. Donc, j'en ai assez de ces mecs qui exigent qu'on respecte le fait qu'ils ne vont pas voter et que j'entends pleurer aujourd'hui comme en 2002 au motif que ce n'est pas de leur faute si on en est là aujourd'hui. Certes, ils ne sont pas les seuls responsables et ceux qui votent n'importe comment sont comparables à des gens qui couchent n'importe comment avec n'importe qui en s'étonnant un matin de se réveiller infectés par le SIDA.
Quant au lavage de cerveau, il joue sans être déterminant à mon sens dans la mesure où la télévision comme le reste (n'oublie pas les réseaux sociaux qui sont dévastateurs en la matière), on ne peut pas forcer les gens à être intelligents. Aujourd'hui, on légitime la facilité et le prêt-à-penser flatteur, c'est l'époque mais je ne suis pas certain que Cyril Hanouna soit à lui seul responsable de la montée du Front National. A la limite, Hanouna fait moins de dégâts qu'un Nicolas Sarkozy ou l'un quelconque de ses affidés dont le comportement depuis 10 ans est consternant (tu as le choix, y a de la matière).
Moi, je ne suis pas en colère, je l'ai été, je ne le suis plus tant je vois depuis des années où nous mène tout cela. La démocratie permet de faire des choix collectifs, 6 millions de personnes appartenant au corps électoral se sont exprimées hier soir, au moins 3 régions tomberont dans l'escarcelle du Front National dimanche prochain. Je respecte le choix des urnes sans le partager, en me rappelant que très franchement, rien n'est surprenant ni irrémédiablement compromis pour autant qu'on élève le niveau une fois la colère passée.
Mais ça, il faut le vouloir pour le pouvoir ...
Effectivement je songeais bien à Hanouna (et à ses tweets du même soir) mais pas seulement. J'avais aussi (et surtout) en tête cette réflexion d'Alexandre Astier sur la Télé-Réalité et son aversion pour cette dernière. Interpellé par deux mégères trop peu apprivoisées qui lui disaient que les gens n'avaient pas envie de se prendre la tête le soir en rentrant chez eux, il rétorquait avec un infini talent qu'il était faut de croire qu'écouter des choses intelligentes qui nous élèvent un tant soit peu, soit forcément synonyme de "se prendre la tête".
SupprimerPour l'abstentionnisme, je ne partage pas exactement ta position (largement développée dans ton billet du jour). Je crois que MaxLeMans (ci-dessous) répond assez justement.
Je ne suis d'accord avec l'idées que le FN a gagné des voies avec la complicité des abstentionnistes. Explications.
RépondreSupprimerD'abord, ce ne sont pas les abstentionnistes qui ont voté FN. Ça peut paraître idiot au premier abord, mais les chiffres sont sans appel.
Régionales 2010 : abstention = 21 148 939 voix / FN = 1 943 307.
Régionales 2015 : abstention = 22 425 642 voix / FN = 6 051 246.
Delta 2010-2015 : abstention = + 1 276 703 voix / FN = + 4 107 939.
Il y a eu plus abstentionnistes mais dans le même temps beaucoup plus de votants pour le FN. Les 1 276 703 votants en moins ne compensent ni n'explique les 4 107 939 voix supplémentaires engrangées par le FN entre les deux vagues. -6.03 % de votants quand le FN a fait un bon de + 211.38 %.
Ensuite parce cette augmentation des voix acquises par le FN est en constante augmentation à mesure des vagues de scrutin, quelque soit leurs natures. Y compris sur des scrutins où le taux d’abstention est traditionnellement bas (présidentielles) ou bien lorsqu'il est resté quasi constant entre deux vagues (européennes 26 290 662 vs 26 796 819, soit seulement 506 157 abstentions de différence).
Présidentielles 2007 vs 2012 : 3 834 530 vs 6 421 426 (+ 67.46 %)
Législatives 2007 vs 2012 : 1 218 260 vs 3 528 663 (+ 189.64 %)
Municipales 2008 vs 2014 : 169 702 vs 1 072 693 (+ 532.10 %)
Européennes 2009 vs 2014 : 1 173 194 vs 4 713 798 (+ 301.79 %)
Régionales 2010 vs 2015 : 1 943 307 vs 6 051 246 (+ 211.38 %)
Il faut aussi garder à l'esprit que pour des élections locales, bien concrètes, les électeurs s'en remettent plus généralement aux deux partis historiques que sont la Droite et la Gauche modérée. Parce que les électeurs sont égoïstes et que, lorsque ça a un impact direct au quotidien, les votes sont des votes de raison. Quand il s'agit de scrutins plus larges, comme les régionales, les électeurs se sentent moins concernés, souvent parce qu'ignorant des actions de la région dans leur quotidien, parce que l'hôtel de région, ben c'est loin donc en s'en fout pas mal quand même, et surtout parce que ce sont à nouveau les mêmes politiciens véreux déjà trop vus (je caricature, mais à peine) qu'il faut élire. Le vote est donc davantage protestataire que de raison.
Mais, il ne faut pas pour autant perdre espoir. Même s'il n'y a pas de quoi particulièrement se réjouir, en particulier pour les administrés de ces régions, je suis impatient de pouvoir lire les premiers bilans des régions passées sous la bannière FN. Désormais, il va falloir agir et plus seulement se contenter de vociférer. S'il faut en passer par là pour que les citoyens français comprennent la supercherie... On mérite ce qu'on mérite.
Merci pour ton long commentaire circonstancié et sois le bienvenu ici.
SupprimerJe ne commenterai pas les statistiques.
En revanche, et de manière quelque peu cynique, je finis par croire comme toi que le seul moyen de se débarrasser du FHaine et de le laisser se planter en beauté. Et mieux vaut pour cela une région que le pays tout entier...
Lorsque les seuils destinés à permettre l'accession ou non au second tour sont déterminés en pourcentage, l'abstention pèse nécessairement sur les résultats.
SupprimerPour le reste, il est bien évident que le niveau de l'abstention n'est pas corrélé au niveau du Front National, étant néanmoins précisé qu'il faut se garder de comparer les différentes élections en ce que le mode de scrutin varie énormément et donc le poids de tel ou tel doit être corrigé en fonction. Le Front National, parce qu'il mobilise beaucoup comme souvent les partis extrêmes, est très fort sur des scrutins proportionnels (Election européenne, Elections régionales) et prospère depuis des années dans de tels contextes.
De plus et pour ce qui concerne les enjeux qui expliqueraient la distance de certains électeurs qui n'iraient pas voter, il est tout à fait loisible de trouver toutes les excuses possibles pour excuser un niveau élevé d'abstention. En la matière et pour ce qui concerne les régionales, les compétences de la Région devraient largement concerner les administrés : définition des orientations en matière de développement économique, aménagement du territoire, politique du patrimoine culturel, gestion des transports régionaux, formation professionnelle et j'en passe. On peut évidemment considérer que cela est très éloigné du quotidien ...
L'éloignement géographique, c'est rigolo parce que l'on n'en parle pas s'agissant de l'élection présidentielle.
Enfin, et pour ce qui concerne l'argument du "Mettons-les à l'épreuve", je le partage parce que je pense que ce ne sont qu'avec le constat d'une gestion plus ou moins bonne que l'on pourra opposer aux rageux du Front National la calamité de ce qu'ils proposent. Cependant, j'ai toujours du mal à me dire qu'il faut s’inoculer une maladie pour en triompher, à la manière d'un vaccin (et c'est précisément là que ma métaphore touche à sa limite). Mais qu'importe désormais puisque c'est bien ce qui va se passer ...
Dans cette inoculation, qu'on le veuille ou non, les abstentionnistes qui ont fait le choix de ne pas voter laissent à d'autres le poids de la responsabilité alors qu'en choisissant d'autres partis, 20 millions de français auraient pu rééquilibrer les forces en présence.
c'est dégueulasse
Supprimerpartout ailleurs,le vote est obligatoire!
et puis un parti ouvertement fachyste devrait être interdit!
Malheureusement, les crétins ont eux aussi le droit de vote...
RépondreSupprimerJ'en viens moi aussi à -presque- penser que la seule façon de montrer à ces gens qu'ils se mettent le doigt dans l'oeil, et jusqu'au fond du crâne, en pensant que l'affront national constitue une alternative crédible, est que celui-ci accède au pouvoir et fasse l'étalage du vide sidéral qui lui sert de programme, celui-ci se résumant à un déferlement de fiel et d'idées au mieux simplistes, au pire abjectes...
Vous pensez donc qu'une fois arrivé au pouvoir, ce parti respectera sagement les lois de notre démocratie, et que l'on pourra l'en chasser ?
RépondreSupprimer"les abstentionnistes qui ont fait le choix de ne pas voter laissent à d'autres le poids de la responsabilité" : exactement !
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SupprimerAussi longtemps qu'il s'agit d'élus à des niveaux locaux, je ne suis pas particulièrement inquiet. Ce ne sont pas les régions qui font les lois et la séparation des pouvoirs ne pourra pas être écornée. Que ces régions dérapent, elles seront rattrapées devant les tribunaux administratifs, voire au dessus pour des infractions pénales des élus.
RépondreSupprimerEn revanche, en ce qui concerne les lois de notre démocratie, le FN n'a même pas besoin de faire l'effort de respecter les lois de notre démocratie, le gouvernement en place se charge déjà - et je le regrette très amèrement ! - de transformer les lois pour éviter de les contourner. Ça s'appelle l'état d'urgence et la constitution. Du pain béni pour un gouvernement totalitaire à venir.
Note : précédents commentaires supprimés pour correction d'orthographe. ;)
J'ai voté. Je suis, enfin on est, avec O. dans le même état d'esprit que toi... On savait bien, ne serait-ce que chez nous, avec notre voisinage rural quoique cossu, que le danger était proche, très très proche. Je me suis même brouillé avec mes voisins les plus proches (25-30 ans) cet été après des propos inacceptables, propos validés par énormément de gens aujourd'hui semble-t-il puisqu'ils ont été tenus sans tenir compte ne serait-ce qu'un instant de notre propre sensibilité politique à O. et à moi, comme si c'était une évidence de penser ainsi aujourd'hui. Et ces propos, pas besoin de te dire lesquels. Moi, j'ai des principes, et c'est la deuxième fois en deux ans que je me brouille avec des tiers très très proches pour ces mêmes raisons. Je suis inquiet... J'ai même l'impression que les véritables subversifs d'aujourd'hui, ce sont les tolérants/acceptants tous azimuts tels que nous.
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