Parmi les nombreux souvenirs que je garderai de mes années de lycée et plus particulièrement de ma terminale, figure celui que j'étais nul en maths.
J'avais pourtant bien commencé au collège où mes notes étaient tout à fait correctes dans cette matière, contrairement au sport. Et puis j'aimais assez ça, les maths. Surtout la géométrie. Là, j'étais très bon. Les angles, les propriétés des figures inscrites, tangentes, diagonales, segments et parallèles, j'adorais ça. J'y trouvais même une certaine poésie. Voir, à partir de quelques phrases, se dessiner un tracé complexe de lignes et courbes au sein desquelles s'inscrivaient d'autres motifs aux propriétés particulières. Il y avait là quelque chose de quasi magique.
La géométrie produisait sur moi le même genre d'enchantement que la physique et la biologie, disciplines dans lesquelles j'ai toujours eu de très bons résultats. Probablement pour les mêmes raisons : donner à comprendre l'essence de certaines choses, un peu à la manière d'un alchimiste sur le chemin initiatique de la Pierre Philosophale du Savoir.
La géométrie produisait sur moi le même genre d'enchantement que la physique et la biologie, disciplines dans lesquelles j'ai toujours eu de très bons résultats. Probablement pour les mêmes raisons : donner à comprendre l'essence de certaines choses, un peu à la manière d'un alchimiste sur le chemin initiatique de la Pierre Philosophale du Savoir.
A cet égard, j'ai certainement eu beaucoup de chance d'avoir eu, au collège, des profs passionnés et passionnants qui savaient transmettre le goût d'apprendre en suscitant notre insatiable curiosité, nous récompenser pour notre travail et nous insuffler ce petit plus qui nous amenait souvent à aller un peu plus loin que nécessaire. Je me souviens ainsi de cette prof de français qui, en 6ème et estimant que j'avais quelques prédispositions littéraires, me laissait tous les quinze jours dans son casier de la salle de des profs, un Stephen King à lire pour mon plaisir personnel, en plus des lectures obligatoires pour les cours. Grâce à elle je découvris des classiques de la littérature d'horreur : Christine, Cimetierre, Ca et bien d'autres encore...
Je me souviens aussi de cette prof de physique qui, confrontée à mon irrassasiable soif de connaissances, bien au-delà des limites du programme, m'avait prêté tout un tas de revues scientifiques du type de Science et Vie Junior et probablement un poil trop avancées pour mon âge, mais avec plein d'expériences simples à réaliser, telles que construire un thermomètre, créer des cristaux de sulfate de cuivre et je ne sais plus quoi encore, que je réalisais effectivement et que je rapportait régulièrement en classe. Et cette même prof médusée de s'entendre un jour demander par un grand (je l'étais déjà) bonhomme de 11 ans à la fin d'un cours sur l'électricité : "Madame, c'est quoi la masse critique ?".
Pour en revenir aux maths, je crois que le basculement s'est opéré en seconde. Je ne sais trop comment ni pourquoi. Un décrochage progressif de cette matière qui devenait de plus en plus obscure, à manipuler des concepts et des théorèmes dont je ne percevais ni la finalité ni ne comprenais la logique. Oui, cela a toujours été un défaut chez moi : ne rien pouvoir retenir que je n'aie pas parfaitement et préalablement compris. La mémoire pour la mémoire - et quoique je l'aie assez bonne - n'a jamais présenté d'intérêt particulier, sauf à permettre de replacer des éléments dans un contexte ou de me permettre de contextualiser certaines choses. Une tête bien faite plutôt qu'une tête bien pleine, en somme.
La situation s'est ensuite aggravée en première, avant de sombrer définitivement en terminale avec Monsieur D, le prof qui hante encore certains de mes cauchemars.
Et là fut le point de non retour.
Monsieur D était l'incarnation du personnage antipathique. Froid, le sourire glacial, doté d'un sens de l'humour approximatif et très personnel, je ne l'ai jamais apprécié. Lui s'en foutait royalement et je suis à peu près certain qu'il n'en avait rien à foutre d'être apprécié ou pas, par ses élèves ou par quiconque.
A l'obscurité grandissante des dérivées et autres formules aussi opaques qu'une stèle de marbre, s'ajoutait désormais le répulsif Monsieur D qui produisait sur moi un spectaculaire effet contre-productif. Il avait ses têtes, et je n'en faisais pas partie. Je ne reçus donc à cet égard pas le moindre encouragement ni la plus petite bribe de compassion qui m'aurait aidé à sortir peu à peu la tête de l'eau et me refaire une santé. Ma moyenne glissait donc inexorablement, absorbée dans les sables mouvants de la relégation au rang des mauvais élèves, malgré mon envie de réussir. Mais rien n'y faisait. Les interminables interros de maths devenaient des séances de torture, chaque cours était précédé de sa série d'angoisses, chaque exercice me plongeait dès son énoncé dans un abysse de perplexité... J'étais nul.
Je terminais ma scolarité en décrochant mon bac avec mention, tout en écopant au passage d'un cinglant 7/20 en mathématiques, et prenais ensuite la route de la faculté de droit, laissant Monsieur D et son lycée dernière moi.
Il devait pourtant encore hanter mes rêves, Monsieur D. Et il furent nombreux les cauchemars d'interros de maths et autres réminiscences de malaises qui vinrent ponctuer mes nuits et me réveiller en sueur, hagard et bêta. Et dernièrement encore, malgré les bientôt vingt ans qui me séparent maintenant de cet âge qui n'était déjà plus si tendre.
Il devait pourtant encore hanter mes rêves, Monsieur D. Et il furent nombreux les cauchemars d'interros de maths et autres réminiscences de malaises qui vinrent ponctuer mes nuits et me réveiller en sueur, hagard et bêta. Et dernièrement encore, malgré les bientôt vingt ans qui me séparent maintenant de cet âge qui n'était déjà plus si tendre.
Tout récemment, et donc de nombreuses années plus tard, par l'un de ces hasards incroyables de la vie, je devais rencontrer au cours d'un agréable repas baigné par la clarté du soir, une personne dont j'apprenais qu'elle avait été un collègue de ce Monsieur D et, qu'à ce titre, elle l'avait bien connu. Naturellement, nous avons discuté de nos années lycée, vécues chacun de notre côté du bureau.
Je ne saurais dire s'il existe bel et bien une Justice immanente à la Nature et à l'Univers et je ne saurais davantage dire s'il existe un Destin, ou s'il faut croire aux coïncidences.
Mais toujours est-il que, ce soir là, c'est avec un plaisir non dissimulé que j'entendis mon interlocuteur déclarer, au détour d'une phrase, que Monsieur D était un sale con.