Et comme Teresa souriait sans émotion ni surprise, Mauricette, folle de colère, fit alors une scène effroyable. Les paroles passent tous les actes. Je n'avais jamais imaginé qu'une fille, même dressée aux vices, pût dire de pareils mots à sa propre mère. Elle articulait au hasard, d'une voix sans suite, sans raison, pour la joie de lancer les injures dans le désordre et l'incohérence où elle les avait mâchées :
"Ne me touche pas ! Je t'emmerde ! Je t'emmerde ! Et je foutrai le camp cette nuit. Je t'emmerde, sale vache ! Sale grue ! Sale gousse ! Sale enculée ! Sale maquerelle ! Sale putain ! Tu ne veux pas qu'on t'appelle comme ça ? Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Fille de putain ! Mère de putain, gousse de putains, branleuse de putains. Je ne suis pas une putain, moi, je suis une pucelle ! Tu as laissé vendre ton pucelage par ta putain de mère, mais moi, je ne suis pas une andouille comme toi ! Je ne laisse pas vendre mon pucelage, je le donne ! Tiens, regarde-le, sale-maquerelle ! Regarde-le ! ma garce ! ma garce ! Tu en voulais cent louis, tu n'en auras pas cent sous ! Tu n'en auras que du foutre et du sang dans la gueule !"
Debout, les cuisses écartées, la tête en avant, elle ouvrait des deux mains les lèvres de son sexe. Puis elle les referma et parla plus vite de la même voix sourde et haineuse :
"Oui, j'en ai assez de montrer mes nichons dans ton bordel d'enculées ! dans ton bordel de suceuses et de putains à tout faire ! J'en ai assez de te voir à table ramener un filet de foutre à la pointe de ton cure-dents et rire quand tu ne sais plus qui tu as pompé ! J'en ai assez de coucher dans les draps où il n'y a pas une place de sèche, par ce que tout le bordel y décharge, les michés, les maquereaux, les gousses et les putains ! J'en ai assez de trouver sur ma toilette une serviette où il y a de la merde, chaque fois qu'un de tes amoureux s'est essuyé la pine dedans. Vache ! Ordure ! Fumier ! Chameau ! Fille de garce ! Moule à bittes ! Gueule de chiottes ! Marchande de chaude-pisse ! Lécheuse de derrières ! Avaleuse d'étrons ! Bouffeuse de vérole ! Compte sur moi maintenant, ma salope ! Compte sur moi pour friser les poils de ta connasse ou pour te passer le bâton de rouge sur le trou du cul ! Je ne veux plus de ta langue ni de tes sales tétons pour me torcher ! Et je te chie ! Je te chie maman !."
(...)
Pierre Louÿs
Trois filles de leur Mère - Chap. XII
1910/1926
Bonjour, je viens de tomber sur votre blog par celui de Corto et qu'y lis-je ? Un bel hymne à l'Amour d'une fille à sa mère. On a le droit d'y croire, non ? Du moins si l'on en croit les psychanalystes.
RépondreSupprimerSinon j'aime bien votre blog, à la fois drôle et sérieux et accessoirement, je souscris à votre manifeste sur le poil...en tout cas quand on en a.
Bonjour Jean-François, bienvenue ici !
SupprimerHa, le Manifeste du poil... une oeuvre d'utilité publique :)
Il y a un côté terriblement jubilatoire à dire des horreurs... si en plus on peut joindre le geste à la parole ! Belle démonstration !
RépondreSupprimerAs-tu essayé de lire le texte à haute voix ? =)
SupprimerOui m'sieur ! Je m'étais déjà exercé en lisant le chant IV des Chants de Maldoror, dégoûtant à souhait, mais là, ça prend quand même une autre dimension !
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