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  • 20 mai 2010

    Elle

    Je n'avais pas prévu de passer la voir. Mais le hasard des mes pérégrinations matinales autour du marché me conduisit devant sa porte sans que je m'en rendisse compte.

    Les bras chargés de commissions, quelques légumes frais, deux fromages de chèvre et du café fraîchement torréfié, je poussai le lourd portail en bois qui émit un grincement mélodieux. Je m'engageai sous vaste porche dont l'écho fit résonner mes pas et entrepris de gravir le somptueux escalier en pierre. J'en connaissais chaque détail : ici la contre-marche veinée de subtiles arabesques, là le barreau tordu, un peu plus loin la petite fissure dans le mur qui me faisait penser à une hirondelle, là l'ébréchure noircie par le temps.

    Elle fut surprise de me voir dans l'entrebâillement de la porte. Elle ne m'attendait pas. M'invitant à entrer elle revêtit aussitôt, par geste de pudeur, une chemise froissée qui traînait sur son lit défait. Le soleil caressait le parquet d'une puissante lumière blanche, presque aveuglante, contrastant de façon saisissante avec l'air frais qui pénétrait par les fenêtres largement ouvertes. Le sol était jonché de classeurs éventrés, de fiches bristol numérotées, d'habits sales et de courrier à peine lu. L'archétype de la chambre d'étudiant.

    Esquissant un léger sourire elle m'offrit un café et s'alluma une cigarette, la première, celle du petit déjeuner, celle qui éveille. Elle me regardait droit dans les yeux, de son regard pétillant d'intelligence. Elle me racontait sa soirée de la veille, le nez dans les bouquins, la date de son concours se faisant chaque jour plus proche, ses peurs, ses angoisses, les derniers potins de sa garce mais complice de sœur, son ex... Moi je l'observais, décomposais chacun de ses gestes, de ses attitudes, à l'affût du moindre mouvement nerveux de ses petits bras osseux, ivre de son sourire. Ivre de sa voix faussement timide et de nos discussions interminables, de nos sous entendus, de tous nos non-dit, de tout ce que j'aurais aimé lui dire, de tout ce que j'aurais souhaité entendre.

    Posée dans l'interstice d'un cendrier plein à ras-bord, la cigarette se consumait, lentement, vaporisant dans l'air de douces volutes de fumée, dessinant des courbes graciles s'étirant peu à peu jusqu'à l'infini, avant de s'étioler puis s'évanouir parmi les rayons du soleil. De la rue foisonnante de vie, d'alléchantes odeurs de cuisine dispersées par une brise légère titillaient les narines, éveillant les sens.

    J'étais bien. 
    Nous étions bien.  
    Dans l'immobilité et l'harmonie parfaites de cet instant hors du temps.

    11 commentairess:

    1. Décidément, tu écris bien.
      Une nièce ? En tout cas une Amie avec un grand A.

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    2. Merci à Elle de t'avoir inspiré ce joli texte, je me suis un instant trouvée dans la pièce avec vous :)

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    3. Belle note, tu écris sacrément bien!! J'adore!! Magnifique! (oui, je m'emporte vite!!)

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    4. Le champ ou le chant des possibles ?

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    5. Bel instant d'intimité que tu nous fais partager là. Et magnifiquement écrit.

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    6. Un doux moment, bien partagé avec nous. Au delà de la nostalgie. Très bon weekend.

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    7. Pour vous donner une clé de lecture, je dirais qu'il s'agit - en employant une métaphore photographique - de l'agrandissement d'un détail d'une certaine période de ma vie. De ma vie d'avant...

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    8. Tambour Major> Doit-on comprendre que c'était quand vous "étiez" hétéro?

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    9. @ Bashô : Quelque chose comme ça... :-)

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    10. Très joli billet, j'ai l'impression de commencer un livre et d'être happé par une histoire dont on a hâte de découvrir la suite ...

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    11. tu es bien secret..mais je le comprends.. en tout cas bien poétique, mélancolique....

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