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  • 26 décembre 2008

    Katsuhiro Otomo - Anthology

    Ma première rencontre avec Katsuhiro Otomo remonte à une bonne paire d'années maintenant. Elle fut brutale mais définitive. Je me rappelle très bien de ce moment : j'étais alors au lycée (mamamia !), 16 ou 17 ans, et la chaîne de télévision "La 5" avait cédé la place à la toute nouvelle "Arte" qui proposait une programmation assez inédite et un peu plus haut de gamme que les autres chaines.

    En particulier j'avais été séduit par la bande annonce d'un dessin animé d'un genre pour moi totalement nouveau, venu tout droit du pays du saké et du Wasabi, loin des traditionnels Goldorak et autres Chevaliers du Zodiaque. Il s'agissait grosso-modo d'une histoire pour adultes, celle d'une guérilla menée dans Neo-Tokyo par des bandes de jeunes motards désœuvrés et drogués. Une nuit, l'un d'eux, Tetsuo, a un accident de moto en essayant d'éviter un étrange garçon qui se trouve sur son chemin. Blessé, Tetsuo est capturé par l'armée japonaise et devient l'objet de nombreux tests dans le cadre d'un projet militaire ultra secret visant à repérer et former des êtres possédant des prédispositions à des pouvoirs psychiques. Vous aurez peut être reconnu le synopsis de Akira.

    Le choc esthétique fut tel que je me souviens avoir enregistré l'animé et me l'être repassé plusieurs dizaines de fois sans jamais m'en lasser.

    Quelques années plus tard, je dévorais à nouveau les aventures de Testuo et de Kaneda sur support papier cette fois ci, toujours avec la même ardeur. Je reste un fan inconditionnel de cette série cultissime qui surpasse de très loin toutes les productions ultérieures, c'est du moins mon avis.

    L'autre jour alors que je flânais dans le XI° arrondissement, étant un peu en avance sur mon rendez-vous, je passais par hasard devant une librairie spécialisée en mangas et sachant que mon retour en train serait d'un ennui mortel si je n'avais rien à me mettre sous la dent, poussais la porte afin de me ravitailler. Au détour d'une étagère, après m'être arrêté quelques instants sur les art-book de Miyazaki (il me les faut, il me les faut !!), je tombais nez à nez avec un bouquin à l'illustration aux jolies couleurs, d'une femme habillée de rouge, le sourire aux lèvres, les nattes de son chapeau flottant au vent, et appuyée de la main à la branche d'un arbre. Un bandeau bleu annonçait "par l'auteur de Akira". Mon sang ne fit qu'un tour et j'acquerrai l'ouvrage sans même prendre le temps de le feuilleter.

    Katsuhiro Otomo - Anthology,   est un recueil de nouvelles inédites en Europe, parues entre la fin des années 70 et le tout début des années 80 dans diverses revues japonaises. 14 histoires, plus ou moins développées mais dans lesquelles chaque trait est signé du sceau de la précision et de la netteté, dans le style incomparable de Otomo, qui fait que chaque case, aussi chargée soit-elle, demeure toujours parfaitement lisible, sans recourir à la surcharge superfétatoire de la couleur. J'apprécie particulièrement le découpage très soigneusement pensé des séquences d'action, rythmées à souhait en structures verticales, dans un entrelacement de champ / contre-champ haletant donnant à ces séquences un dynamisme cinématographique percutant. L’ouvrage est de très bonne facture, imprimé sur un joli papier épais, dans le sens de lecture original, ce qui est d’assez bon ton pour devoir le souligner.

    La couverture vaut à elle seul le coup d'oeil. Sous des dehors un peu cul-cul la praline d'une frêle jeune fille entourée d'un décors bucolique, se cache en fait bien autre chose ; il suffit pour cela dans un premier temps d'inspecter le revers du livre, puis de déplier les rabats intérieurs pour que se déploie un superbe panoramique aux accents doux-amers de fin du monde : au loin une usine est en flammes, tandis que gis, jonché parmi les herbes, la carcasse démandibulée d’une machine de guerre. L’ambiance est donnée.

    Quelques unes des nouvelles ont particulièrement retenu mon attention. Elles ne sont pas toutes du même niveau ni de la même inspiration. On y croise dans Chronicle Of The Planet Tako, les drôlatiques aventures des Tako et des Ika, sortes de poulpes extraterrestres d'un autre monde qui se disputent une planète vivrière et qui m'a parfois fait penser à nos Shadoks, l'absurde y étant ici beaucoup moins présent, avant que, dans un second volet, les Tako n'accèdent à la démocratie, subtile critique de nos sociétés modernes et des luttes fratricides (poulpicides ?) pour le pouvoir.

    La première histoire du recueil - Flower- (en couleurs, exception à la règle) démarre très fort. Le sentiment d'immensité désertique est admirablement rendu. On y retrouve comme très souvent des préoccupations écologiques, une ambiance de fin du monde et une certaine fascination pour le corps humain en déchéance, les chairs boursoufflées mises à nu, ce que j'appellerai "l'organique viscéral", ingrédients  qui composent régulièrement les oeuvres du Mangaka.

    On retrouve la même ambiance pesante dans Fire Ball (1979) qui préfigure ce que sera Akira : une guérilla urbaine au coeur d'une méta-structure d'immeubles gigantesques, la présence de personnages aux pouvoirs psychiques étonnants, les recherches secrètes de l'armée, l'annonce de la fin du monde (les séquelles de la bombe atomique ne sont pas encore digérées), des séquences d'action à couper le souffle, du viscéral organique, et une ambiance pesante de bout en bout.
    Tout ces éléments se retrouvent intégralement dans une autre BD de Otomo :Dômu - Rêves d'enfants, publié un peu avant Akira dont il n'est en  sorte qu'une répétition générale.

    Guérilla d’un tout autre genre avec Hair, où le monde est en proie à la rébellion de chevelus fans de musiques complètement rétrogrades comme les Stones ou Led Zepplin… Des pages pleines d’humour loufoque assez déjanté du meilleur aloi. 

    J'ai également beaucoup aimé Memories qui m'a fait penser à certains égards à l’ambiance étrangement inquiétante et dérangeante que l'on peut retrouver dans Ulysse 31 : un vaisseau spacial confronté à une énigmatique épave en forme de rose géante agencée en un gigantesque palace bien intrigant, un peu à la façon de la scène finale de 2001 A SPace Odyssey. Je suis d'ailleurs bien curieux de savoir s'il s'agit d'une référence directe au chef-d'oeuvre de Kubric... Le contraire serait stupéfiant.

    Minor Swing vaut également le détour : comment les méfaits de la pollution transforment une banale partie de pêche en mer en drame : un homme tombe à l’eau et se retrouve englué dans une matière visqueuse qui finira par avoir raison de lui, l'auteur nous ménageant une fin délicieusement grinçante, façon CreepShow... J’adore !

    Sound of Sand s'avère également particulièrement efficace. Si l'auteur confie avoir bâclé le travail en raison de son retard à livrer les planches à l'éditeur, il faut avouer que l'économie de moyens ne nuit en rien à l'efficacité scénaristique dés lors que l'idée est bonne et que le dépouillement de décors sert au mieux la sensation anxiogène d'étouffement dont est victime le principal protagoniste. C'est peut être l'une de mes préférées, s'il me fallait faire un choix.

    Les dernières planches prennent un détour un peu particulier puisqu'il s'agit de parodies d'histoires populaires en europe : Aladin et la lampe magique, les chevaliers de la table ronde, l'arche de Noé, et le vieil homme et la mer, revisités sauce piquante... J’ai un peu moins aimé ces ultimes short-stories, peut être parce qu’elles racontent autre chose que le souffle si particulier du Pays du Soleil Levant.

    Avis aux amateurs, une fois arrivé au terme de la dernière page, je n’ai eu qu’une seule envie : tout recommencer du début…


    1 commentaires:

    1. As-tu depuis que nous en avons parlé, eu l\'occasion de jeter un oeil (dans un tout autre genre) à la Seintaï School ? Sinon je te recommande toujours chaudement les 2 premiers tomes...

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