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  • 21 mars 2011

    Le Barbier de Séville au Théâtre du Capitole

    Depuis des mois je me faisais une joie d'assister à une représentation du Barbier de Séville de Rossini donné cette saison par le Théâtre du Capitole. Après un fort beau Prokofiev puis un Médéa très contemporain en janvier, ce brusque retour presque deux siècles en arrière (le Barbier fut donné la première fois en 1816) paraissait tout à fait rafraichissant.

    L'argument de l'oeuvre est assez simple et met encore une fois en scène les idylles contrariées d'une belle et son prétendant entre lesquels se dresse un obstacle, ici un vieux tuteur eczémateux, qu'il faudra berner pour que triomphe l'amûûûr. Oui c'est très niais mais que voulez-vous ma chère Maryse, on n'a pas inventé meilleur prétexte pour écrire de la belle musique. Ici donc le Comte Almaviva est tombé fou amoureux de la belle Rosina qu'il a entrevue dans une sauterie mondaine et vient lui chanter une sérénade sous sa fenêtre. Sauf que la pauvrette est retenue par son thénardier de tuteur, Bartolo qui compte l'épousailler promptement afin de récupérer le magot de la pucelle. Heureusement pour eux, Figaro, aussi bon barbier qu'intrigant, est là pour aider les tourtereaux et duper le vilain vieillard.

    Lorsqu'après une mollassonne introduction à l'orchestre le rideau s'ouvre, la première impression est bonne. Les costumes sont superbes, les décors majestueux ,les éclairages soignés. Les costumes, je reviens immédiatement là dessus, sont... comment dire ? Je n'ai pas assez de superlatifs pour décrire le bonheur que j'ai eu à les admirer sous toutes les coutures. Non pas qu'il fissent preuve d'une opulence ostentatoire, mais chacun d'entre eux était très travaillé, avec un goût exquis, que ce soient les arabesques à l'intérieur des capes, les revers de tel vêtement ou les broderies de tel autre. Une des critiques généralement adressé à l'opéra est d'être cher. Certes, ce n'est pas le même tarif qu'une séance de cinéma. Mais franchement lorsque l'on voit un tel travail fourni sur et pour la scène, on est largement récompensé.

    Le Barbier de Séville est  certainement l'un des opéras les plus populaires, à la limite de la tarte à la crème, mais certainement pas de la tarte pour les interprètes que Rossini ne ménage pas : sitôt les personnages sont-ils entrés en scène qu'ils doivent affronter leur solo, souvent techniquement redoutable. Chanter n'importe quel rôle du Barbier suppose d'avoir un  diaphragme hyper tonique et une diction en terrain miné ultra parfaite, c'est moi qui vous le dit !  Entre le texte souvent débité à une vitesse hallucinante sur des mélodies en notes attaquées, cette partition est une véritable vacherie. Vacherie dont tout le monde n'est pas sorti totalement indemne.

    Ainsi après la magnifique sérénade de Almaviva (Dmitri Korchak - dont je n'ai pas aimé le timbre de voix), ce fut au tour de Figaro (Giorgio Caoduro) d'articuler son célèbre "Fiiiiiiiiiiiigaroooooo" endiablé. Ce passage me fit une sensation assez étrange. Il est en effet  facile de se repérer dans cette oeuvre car chaque entrée d'un nouveau personnage est presque immédiatement l'occasion d'une tirade de présentation. Dans l'histoire, Figaro est un peu le bouffon de service, le fourbe qui manigance, l'intrigant qui fomente les qui pro quo, une sorte de Sganarelle en somme. Aussi son monologue est-il à l'image du personnage : sautillant, frais, joyeux, fou... Et pourtant, le pauvre Figaro qui fut plutôt très bon le reste de la soirée, nous offrit  à plusieurs reprises à cette occasion une tête d'enterrement abominable : là où son texte exaltait la joie, son visage n'affichait que rudesse et souffrance. Sûrement la faute conjuguée de la difficulté technique de la partition et du stress inhérent aux premières. Toutefois cette discordance entre le fond et la forme m'a paru regrettable.

    Le personnage dont l'entrée qui m'aura certainement le plus marqué fut Basilio (Giovanni Furlanetto), le professeur de musique. Pour vous situer l'épisode, Bartolo le tuteur apprend que Almaviva en veut aux miches de Rosina sa protégée et compte tout faire pour se débarrasser du malotru. Entre alors Basilio qui propose une idée machiavélique. Grand, maigre, les traits tirés, avare de mouvements, le visage inexpressif, les mains appuyées en losange sur la poitrine, les yeux grands ouverts... C'est bien simple j'ai cru voir un rô minet l'archétype du méchant dans un cartoon ! Et son texte, servi par une magnifique voix de basse doublée d'un jeu scénique absolument magistral, m'a je crois offert l'un des meilleurs moments de la soirée. Truculent à souhait, il s'agit d'une ode à la calomnie absolument géniale :

    C'est d'abord rumeur légère, un petit vent rasant la terre.
    Puis doucement, vous voyez calomnie se dresser, s'enfler, s'enfler en grandissant.
    Fiez-vous à la maligne envie, ses traits dressés adroitement, piano, piano (...) piano, par un léger murmure, d'absurdes fictions font plus d'une blessure et portent dans les cœurs le feu, le feu de leurs poisons.
    Le mal est fait, il chemine, il s'avance ; de bouche en bouche il est porté puis riforzando il s'élance ; c'est un prodige, en vérité.
    Mais enfin rien ne l'arrête, c'est la foudre, la tempête.
    Un crescendo public, un vacarme infernal (...).
    Elle s'élance, tourbillonne, étend son vol, éclate et tonne, et de haine aussitôt un chorus général, de la proscription a donné le signal.
    Et l'on voit le pauvre diable, menacé comme un coupable, sous cette arme redoutable tomber, tomber terrassé.

    Un moment de choix !

    Les autres comédiens ne déméritent pas : que ce soit l'ingénue Rosina ( Maité Beaumont), la bonne Berta (Jeannette Fischer) qui m'a fait penser à Madge à de nombreux égards, sans oublier l'excellent Alessandro Corbelli qui fait un admirable Bartolo bougon à souhait, tout ce petit monde s'en donne à coeur joie sans retenue, aidés par des décors très réussis.

    Les éléments de décors sont à y bien réfléchir assez limités mais utilisés avec beaucoup d'astuce. Une scène de rue sous un balcon, soudain la façade s'ouvre en deux, un fond de décors arrive tracté par un personnage, quelques meubles sont apportés l'air de rien, et nous voici au coeur d'un salon.  Un mur se déplace, un panneau descend et nous voici face à l'échoppe de Figaro. Les lieux s'enchainent avec une belle fluidité, sans rupture de l'action, naturellement, et on y croit. Qui plus est, des lieux riches en coins et recoins offrant un avant-plan ainsi qu'un arrière-plan, de sorte que l'espace scénique semble très profond malgré les modestes proportions de la scène exploitée dans toutes ses dimensions. Certaines contraintes techniques sont habilement retournées, notamment  le placement du pianoforte hors de la fosse sur une estrade accolée à la scène qui devint un lieu d'action à part entière, pour le coup à quelques tout petits mètres des premiers rangs.

    Si j'ai trouvé les changements de décors très fluides, tel n'est pas le cas de l'action elle même. C'est d'ailleurs assez curieux comme construction. Ainsi les grands airs en duo, trio, quatuor, quintuor (je crois même avoir décelé un octuor !) accompagnés par l'orchestre sont entrecoupés de passages où se déroulent le fond de l'action, mais accompagnés cette fois d'une arpège au pianoforte, un peu comme dans les cantates de Bach où les récitatifs alternent avec les airs et grandes fugues. Parfois l'action s'arrête totalement et les personnages, sortant de leur rôle, s'adressent au public : "Holalala mon dieu, mais quel rebondissement inattendu ! Mais que va-t-il bien pouvoir se passer ?" Surprenant mais bien dans l'esprit farce de l'oeuvre. Car tout cela est quand même assez drôle, entre comique de situation et répliques pleines de répartie, et la sauce est relevé autant qu'enlevée, même si la conduite de l'orchestre aurait mérité un peu plus de verdeur.

    Même si Rossini n'est pas mon répertoire préféré, au final le spectacle m'a plu et a plu. Preuve en furent les applaudissement nourris qui ponctuèrent la fin de chaque solo, ceux encore plus appuyés qui saluèrent la fin du premier acte, et le déluge crépitant qui vint acclamer les artistes en salves scandées après de tomber de rideau final.   Une première réussie pour ce Barbier de Séville poilant mais jamais barbant.



    Le Barbier de Séveille  de Gioachino Rossini
    Théâtre du Capitole
    Jusqu'au 27 mars 2011

    16 commentairess:

    1. http://www.youtube.com/watch?v=RuQUQLp7lfA
      je vois pas "une tête d'enterrement abominable "...

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    2. Peut-être Caoduro n'était-il pas en forme après avoir mangé un waquete avarié :-P
      J'adore la satire sociale contenue dans cette œuvre.

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    3. Jusqu'à quand le Barbier de Séville est-il joué?

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    4. @ Anonyme : Mon propos est un peu exagéré je te l'accorde, mais de face (on voit mal depuis les loges) et sans cette lumière qui brûle la vidéo (je croyais qu'il était interdit de filmer ?) je t'assure que, sur la Cavatine de Figaro, le visage n'exprimait pas la franche joie et que l'on sentait visiblement la difficulté technique de l'épreuve, même s'il n'en transparaissait rien à l'audition.

      @ Eric : Evidemment, la satire sociale sert de toile de fond. Mais, hormis quelques saillies délicieuses, je la trouve sans grande originalité. Et j'ignore si l'on sert du waquete - en sauce ou grillé - dans la région :)

      @ Nicompompus : Jusqu'au 27 mars. Attention, il y a deux distributions qui alternent.

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    5. Un "octuor"?! Je ne savais même pas que ça existait! Bravo pour tes articles en tout cas, je pense que tu aurais pu faire un bon journaliste ^^

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    6. Purée, maintenant j'enrage encore plus d'être aveugle sur cette production ! Quoi, non seulement c'est drôle mais en plus c'est beau ??? Je m'en vais de ce pas acheter un périscope ou un rétroviseur pour m'occuper pendant les récitatifs :-)

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    7. @ Guillaume : Ben oué, ça existe, mais ça ne rapporte pas grand chose au Scrabble ^^

      @ Nekkonezumi : Si si, c'est souvent rigolo et en plus c'est beau ! Tu peux aussi apprendre le pianoforte en express (Le Barbier de Séville au pianoforte pour-les-zikos-de-la-fosse-kilzivoirien en 1 leçon et 1/2 par Doña Maria-Luisa-Benedicta-Assumpcion Von Glückesteinrmerfeildtrück De Las Flores, aux éditions Japranvit) pour remplacer au pied levé le pianiste qui, lui, est au premières loges :))

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    8. Il est évident que tu as raison, ces intrigues à l'eau de rose frelatée ne sont que des prétextes. Mais de vrais prétextes à s'amuser, mettre en valeur la virtuosité des voix, ou glisser une satire acide et défoulante.
      Ta critique est savoureuse et détaillée, au poil!

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    9. J'étais au Théâtre du Capitole Samedi soir pour la version Jeunes Talents de cet opéra.
      J'ai trouvé ça très agréable. Je ne suis pas un spécialiste de l'opéra et je ne m'avancerais pas à dire si c'était bien ou pas, mais j'ai personnellement bien aimé. J'ai apprécié en particulier les costumes, comme toi, mais aussi Le contraste entre la lumière orangée et le fond bleu profond.

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    10. Cela a dû être un moment vraiment jubilatoire, sans bien connaître les opéras, surtout celui de Rossini, j'ai une très grande tendresse pour les personnages de Beaumarchais, surtout Figaro, qui est proprement génial. Bartolo est dupé, tant mieux, mais derrière l'apparente légèreté , c'est une révolte bien plus profonde qui gronde. Brillante époque! (Merci pour ce billet)

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    11. Ah c'est cher l'opéra?( Céline Dion, il parait que c'est encore plus cher!!). A Lyon, les places debout se vendaient 5€, mais il fallait faire une heure de queue.....!!

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    12. @ Flavien : Hé oui, l'amour est une source d'inspiration intarissable, même si l'on a l'impression que c'est un peu toujours la même chose. Sûrement parce que, en définitive, chaque histoire est unique.

      @ Tarvalanion : Tu as entièrement raison. Les jeux de lumières sont magnifiquement réussis. Du lever du jour au tomber de la nuit, l'ambiance de chaque moment est habilement retranscrite. Je me souviens d'une séquence où un personnage sort de scène en contre-jour sur un fond bleu nuit absolument magique.

      @ Lemodrop : Absolument. N'est pas le bouffon celui que l'on croit. Certains seconds rôles sont même fondamentaux et les petites gens sortent de leur carcan de faire valoir habituel. Le valet devient maître tandis que les puissants s'enfoncent dans leurs turpitudes cupides.

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    13. Beckmesser toulousain21 mars 2011 à 21:45

      J'étais à la représentation de dimanche et j'ai moi aussi été emballé par cet opéra. De belles voix (ah le baryton Figaro) et une mise en scène à la fois drôle (qui ne se prend pas au sérieux et se moque d'elle même en montrant ses ficelles) et fouillée (le rôle du crucifix par exemple qui fait qu'on n'est pas toujours dans la farce).
      Une belle réussite (enfin) du Capitole.

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    14. @ Nigloo : Une bonne place se paye entre de 35 et 50 Euros.

      @ Beckmesser : Ha oui, le crucifix. J'ai trouvé l'idée très habile. Quand aux "ficelles" apparentes je crois que le Capitole ne se gêne plus pour essayer de les cacher. Elles font souvent partie de la mise en scène. Il faut dire que l'on a eu droit à pas mal de "farces" depuis le début de la saison et qui s'en accommodent assez bien. Pas sûr que cela réussirait à un Wagner ou à une partition plus "sérieuse".

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    15. Tu sei il factotum dell Web!!!
      Ei, Tambour ? Son qua!
      Ei, Tambour ? Son la...
      Tutti ti chiedono, tutti ti vogliono...
      Un' alla voltà per carità...

      Quel succès !!!

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    16. Je n'y connais presque rien en opéra, mais ce billet m'a beaucoup plu. Quelle richesse d'expression!

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    Bonjour, vous êtes bien chez Tambour Major.

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