
Il y a quelques temps de cela je recevais dans ma boite à lettres une curieuse invitation. Un couple d'amis s'étant reproduit me conviait à la cérémonie du baptême civil de leur pimpante progéniture. Je dus relire à deux fois le petit carton rectangulaire, craingnant d'avoir mal lu : oui, il était bien écrit baptême
civil suivi du nom de la localité dont la Mairie accueillerait l'événement.
Un baptême
civil ? Tiens donc, quelle curieuse affaire.
Ouvrant mon Code civil et craignant d'avoir loupé un passage intéressant de la législation relative au droit des personnes, je ne trouvais pas la moindre trace de ce baptême civil, pas l'ombre d'un aliéna, ni même une bribe de jurisprudence. Nada, que dalle. Mais alors, c'est quoi un baptême civil ?
En cherchant un peu sur internet, on trouve ce genre d'information :
Le parrainage civil remonte à l’époque de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, c’est à dire à la révolution française. Il a été institué par le décret du 20 prairial An II, soit le 8 juin 1794.
Après être tombé en désuétude pendant plus d’un siècle, il connaît ces dernières années un engouement croissant en France. Alors qu’il a été autrefois instauré comme une mesure anticléricale, le baptême civil est aujourd’hui plutôt apprécié comme un complément ou une alternative au baptême religieux.
Alternative au baptême religieux ?
Le baptême, au sens canonique du terme, régi par les
articles 849 à 878 du Code canonique, vient du verbe grec ancien Βαπτίζειν
baptizein, fréquentatif du verbe Βάπτειν
baptein, est un rite ou un sacrement symbolisant la nouvelle vie du croyant chrétien. Morts par rapport à leur ancienne vie caractérisée par le péché, les nouveaux chrétiens ressuscitent dans une nouvelle vie avec le Christ. Cette cérémonie représente souvent un témoignage public de la conversion.
Dans sa dimension religieuse, le baptême est donc une cérémonie rituelle qui symbolise l'entrée de la personne dans une vie spirituelle. Ce premier sacrement donne accès aux six autres sacrements de l'Eglise.
Alors, le baptême civil est-il véritablement une alternative ?
Si le baptême symbolise l'entrée dans une nouvelle vie, une vie sociale ou citoyenne, ce genre de baptême civil existe déjà et depuis la laïcisation de l'Etat civil : il s'agit ni plus ni moins de la déclaration de l'enfant par ses parents à la naissance, rendue obligatoire par les
articles 55 et suivants du Code civil pour des motifs d'ordre public. Il est en effet important que l’État soit rapidement informé de l'irruption de cette nouvelle naissance d'un nouveau citoyen. C'est cette déclaration (et non pas la reconnaissance, qui n'a rien à voir avec la choucroute) qui confère à l'enfant son identité par l'attribution d'un nom, d'un prénom, d'un lieu de naissance, et le fait entrer dans sa filiation. C'est par cette fameuse déclaration que l'enfant accède à la vie sociale et devient pleinement citoyen. Ça, c'est un vrai baptême laïc. C'est d'ailleurs cette fonction que tenait le baptême religieux, lorsque l’Église était en charge de l'état civil, jusqu'à un décret des 20 et 25 septembre 1792.
Alors, un baptême civil, pour quoi faire, exactement ? Pour quel symbole ?
On me rétorquera que c'est une cérémonie d'accueil destinée à faire de l'enfant un véritable citoyen. Je réponds
faux : l'enfant est déjà citoyen, au sens juridique du terme. Et par ailleurs, n'étais-ce pas le rôle de l'école laïque que d'accueillir les enfants de la République et d'en faire, tout au long de leurs années d'études, de bons citoyens ? A quoi bon singer le sacrement d'une Église que l'on dit rétrograde et déliquescence ? Fait elle encore peur à ce point pour que l'on en récupère les oripeaux ? Franchement... En outre la cérémonie n'est absolument pas réglementée, ce qui laisse toute latitude aux Maires de l'organiser comme bon leur semble. On est bien loin du rite, c'est à dire d'un ensemble d'usages réglés par la coutume ou par la loi.
Quant aux parrain et marraine, leur statut est inexistant : ils n'ont aucun droit sur l'enfant qu'ils ne pourraient déjà avoir autrement, ne peuvent se prévaloir d'aucune prérogative à son égard [1]. Bref, le vide intersidéral. Reste donc le seul motif de faire la fête. C'est bien maigre : a-t-on besoin de cela pour s'amuser ? La naissance d'un enfant n'est elle pas par elle même un motif suffisant aux réjouissances ? [2]
Très sincèrement, je ne comprends tout simplement pas le
sens du baptême civil. A quoi ça sert exactement ? Car cela ne crée aucun droit nouveau qui n'existe déjà, ne consacre aucune situation légale qui ne soit déjà administrativement enregistrée... bref, du point de vue du juriste, c'est vide de sens ! L'Administration Municipale n'a-t-elle mieux à faire que de distribuer du vide ?
Ce que je critique ce n'est pas tant la démarche des parents (qui trahit à mon avis un besoin métaphysique sur lequel je ne m'étendrai pas), mais
plutôt celle des Mairies qui se prêtent au jeu. Mieux vaudrait
solenniser un minimum la déclaration de l'enfant, qui elle est
véritablement porteuse de sens et d'effets juridiques. Car il faut bien
admettre que déclarer un enfant en Mairie est est aussi glamour que
faire immatriculer sa bagnole à la Préfecture...
Oui ce qui me gêne c'est l'utilisation de représentants de l'État pour
une célébration qui n'emporte en elle même aucune conséquence juridique.
Je trouve ça dommage et participe de la confusion générale au fonctionnement du Droit et de l'État. Car il y aurait certainement quelque chose à
faire de très intéressant en ce sens, et peut être de plus utile qu'une allégeance militaire...
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[1]
Preuve en est cette proposition de loi enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 janvier 2008, destinée à encadrer le baptême civil et à conférer un statut aux parrain et marraine. Il n'a à ce jour été donné aucune suite.
[2]
Je serais très intéressé par des témoignages de personnes ayant souhaité un baptême civil pour leur enfant, connaître leurs motivations, le déroulement de la cérémonie, et leur ressenti.