Humanisme
nom masculin
Philosophie qui place l'homme et les valeurs humaines au-dessus de toutes les autres valeurs.
Dictionnaire encyclopédique Larousse
M a 23 ans. Il est étudiant. Pas un étudiant particulièrement brillant, non. Il est en fait tout à fait médiocre. M préfère à la bibliothèque les plaisirs que la vie lui offre et la liberté de mouvement que permet le monde occidental. Car M n'est pas français : M vient du pays du Nil et des pharaons. Arrivé en France sitôt sa majorité obtenue, il pensait mener des études dans notre pays pour avoir une chance, une fois rentré sur la terre de ses ancêtres, grâce à l'ascenseur social des beaux diplômes qu'il aurait obtenus au Pays des Droits de l'Homme, et mener ainsi une existence un peu plus confortable que celle de ses parents. M étudie le droit, pour devenir un respectable avocat.
Sauf que M a eu quelques difficultés en arrivant en France : la découverte de notre administration, les procédures kafkaïennes pour obtenir la moindre prestation, la barrière de la langue, les nouvelles méthodes de travail des universités françaises... Hé oui, ce n'est pas si simple. C'est pourquoi le parcours de M est un peu chaotique et que ses projets mettent un peu plus de temps que prévu.
Afin de mettre toutes les chances de son coté, M a décidé cette année de poursuivre ses études supérieures dans une Vénérable Institution Toulousaine qui se targue de hisser très haut des valeurs morales humanistes au service de ses étudiants : le souci du prochain, l'entraide, la charité, l'attachement aux valeurs humaines, valeurs étayées par de profondes convictions religieuses dont la Maison est pétrie dans la moindre de ses pierres. M pense donc trouver en ce lieu le cadre propice à son succès : tout y parait idéalement adéquat.
Le premier semestre se passe, semaine après semaine, rythmé par les heures de cours et les longues soirées passées à plancher sur commentaires d'arrêts et dissertations, sans compter quelques sorties ; il faut bien vivre aussi ! Puis vinrent les redoutés examens de janvier. Panique à bord : M est recalé, il doit aller en seconde session.
La seconde session se passe quelques semaine plus tard : M échoue une nouvelle fois avec une moyenne générale 9,92/20... il n'est qu'à 1,25 point sur 300 de la validation de son semestre. Il appartient désormais au jury de délibération de statuer sur le cas de M et il était facile de prévoir une clémence de bon aloi, lorsque l'on sait que l'on rattrape généralement sans sourciller des étudiants se situant à 3 points du score nécessaire pour obtenir la moyenne.
Sauf que cette fois, le jury n'aura aucune clémence pour l'étudiant. M ne validera donc pas son semestre.
Sauf qu'ayant déjà un second semestre de retard en première année, le système LMD le contraint à rétrograder en première année. Il n'est pas le seul dans ce cas. Et redoubler n'est au fond pas bien grave. C'est arrivé à d'autres que lui... il y survivra.
Sauf que M n'est pas dans la même situation que tout le monde. Il m'explique qu'en situation d'étudiant étranger, son maintien sur le territoire Français, et conséquemment la poursuite de ses études, est subordonné au renouvellement d'un sésame précieux : la carte séjour.
M n'est pas le brillant étudiant que tout enseignant rêve d'avoir sous sa houlette. Cela fait même plusieurs années qu'il piétine entre première et deuxième année, et les services de la Préfecture lui ont clairement signifié que sa réussite aux examens serait la condition sine qua non du renouvellement de son titre de séjour.
Mais voilà, M a échoué à 0,08 points - sur 20 - seulement du but ; 1,25 point sur 300.
Et qui dit échec dit tout prochainement un aller simple pour l'Egypte en classe économique. Adieu veau, vache...
Et personne dans les hautes sphères de cette Vénérable Institution Toulousaine enrubanné de bons sentiments et de grandes valeurs supurantes ne s'émeut du destin de M.
"On va pas lui donner son semestre pour une histoire de carte de séjour quand même !? " s'est indigné l'un des responsables au téléphone alors que je tentais de plaider la cause...
0,08 points...
Je trouve cette histoire très triste. Pour ces responsables, c'est juste un truc administratif, un élève de plus ou de moins. Pour ce M. c'est toute sa vie. Oui, il était "juste", mais si c'est courant d'arrondir la note de ceux qui sont juste sous la moyenne (surtout pour si peu), pourquoi les autres mais pas lui?
RépondreSupprimerAh la la, ça me fâche, ça...