Cela vous a sûrement échappé, à vous comme à moi, mais la langue française est en grave danger. C'est pas moi qui le dit, c'est notre secrétaire d'État chargé de la Coopération et de la Francophonie, Alain Joyandet, dans son discours du 20 mars dernier. «Trop d’anglicismes sont entrés dans notre vie courante en France ces dernières années. Je pense notamment au domaine des nouvelles technologies ou à notre langage usuel » explique-t-il.
Aussi, afin de lutter contre l'envahisseur, avait été lancé en Janvier dernier le concours « Francomot » : des étudiants et élèves étaient invités à chercher des équivalents français à cinq termes anglophones : « chat », « buzz », « tuning », « newsletter » et « talk ». Les lauréats étaient récompensés hier mardi 30 mars. En exclusivité mondiale, Tambour Major analyse les résultats.
Le « Tuning », c'est cette activité freudienne connaissant un certain succès chez les beaufs, qui consiste à relooker sa bagnole de fond en comble pour qu'elle ne soit plus la caisse de monsieur tout le monde, mais la plus belle des louloutes qu'on se pignolerait presque devant tellement elle est magnifique (arrfgh... j'ai eu un orgasme). Le mauvais goût y a souvent la part belle, à grand coup de chromes aveuglants, de design suspect et autres multiplication de phares au radium concentré tellement puissants qu'on ne peut même pas les allumer tous à la fois sans vider instantanément ses batteries.
Plusieurs produits de substitution étaient proposés : « autodéco », « automotif », « autostyle », « persauto », « persoptimisation » ou « revoiturage », tous aussi laids les uns que les autres. A votre avis, lequel l'a remporté ? Vous avez 3 secondes de réflexion... Réponse : aucun ! La commission a préféré le sublime « bolidage » aussi gracieux qu'un canard empaillé dans une cuisine en formica ! Allez, bolidez-moi vite fait ce néologisme abscons !
Le deuxième mot proposé était « Chat » (prononcer Tchatt) traduit par la commission de terminologie par le mot « dialogue ». Le chat - qui se décline très facilement en « tchater » - je ne vous fais pas un dessin, le petit geek qui sommeille en vous sait parfaitement de quoi il s'agit. Que ce soit sur MSN, Skype, des fora de discussion ou des sites de drague de rencontre entre garçons sensibles, c'est une activité courante pour ne pas dire quasie-normale. En plus le mot présente le double avantage de la brièveté et d'une conjugaison simple (je chate, tu chates... que nous chatassions, que vous chatassiez...) apanage des verbes du premier groupe. Pourtant, son sort est désormais fait. Il faudra s'y résoudre.
Pour le supplanter la commission devait trancher entre « claverbiage » que j'aime beaucoup, « convel » abréviation de conversation électronique assez peu commode surtout parce que sa verbalisation me paraît hasardeuse, « cybercommérage » que je déteste, comme si blablater impliquait nécessairement le commérage, ce qui n'est pas toujours faux, « papotage » ou l'on croit demander à la personne si elle aime la soupe, et encore « toilogue » à l'étymologie douteuse car elle me semble erronée dans cette orthographe.
Finalement ce sont l'étrange « éblabla » et l'insipide « tchatche » qui ont eu la faveur du jury. Les goûts et les couleurs...
La commission voulait ensuite éradiquer le mot « Buzz » très à la mode en ce moment. Le Buzz est un phénomène de masse qui consiste pour le tiers de la planète à aller voir en très peu de temps la même vidéo idiote d'une autruche percutée par un deltaplane en pleine pampa ou toute autre vidéo dont « on » nous dit qu'elle est un buzz. Car le phénomène du Buzz a ceci de particulier qu'il s'autoalimente souvent, tel un trou noir, par la béance de son insondable vide. C'est un Buzz donc c'est un Buzz. Il suffit que celà soit dit une fois pour amorcer le processus irréversible de fission neuronale.
Avant d'aller plus loin et que vous compreniez l'urgence de lui trouver un remplaçant, sachez au passage que la traduction officielle actuellement retenue est « bourdonnement ».
Pour « buzz », les candidats ont évoqué les mots « actuphène, bruip, cancan, écho, échoweb, foin, ibang, potins ou réseaunance ». Je ne les commenterai pas tous mais pointerai simplement « Ibang » qui me fait irrésistiblement penser à « gang-bang » (oui j'ai l'esprit un peu mal tourné en ce moment) ... On pourrait parfaitement concevoir qu'un Ibang soit un gang-bang par webcam interposée... Une certaine manière de faire le buzz en somme !
Tranchant le débat (et non pas les ébats) dans le vif le jury nous informe qu'il a beaucoup aimé le mot « barouf » pour finalement retenir le mot « ramdam », tous deux déjà existant dans notre bonne vieille langue française, l'un étant par ailleurs le synonyme de l'autre. Tout ça pour ça...
Le quatrième mot proposé était « Newsletter » platement traduit par la Commission de terminologie par « lettre d’information ».
Les candidats ont inventé des mots rigolots comme « niouzlettre » ou « journiel », l'énigmatique « plinfo », les très laids « inforiel » et « jourriel ». Pour le coup, le choix du jury est plutôt sypathique et je trouve le néologisme assez réussi : c'est désormais une « infolettre ».
Enfin le cinquième et dernier mot dont la tête devait tomber était « Talk » traduit par la commission de terminologie par le mot « émission-débat ». Bon, je me demande quel besoin de créer une commission spéciale pour remplacer un mot aussi con que celui là dont tout le monde connait la signification et auquel on peut aisément substituer « conversation » ou « débat ». C'est à croire que la simplicité n'est pas de ce monde car les méninges ont tourné assez fort dans la boite à cerveau. En effet, nous pouvons regrouper les propositions faites à la commission en deux deux catégories. Tout d'abord le groupe des digestes, quoique plates : « causerie », « parlage », « parlotte » et « débadidé » que j'aimais bien. D'autre part les capilotractées faisant preuve d'un peu trop d'abstraction à mon goût telles que « discut’ », « échapar », « débatel » ou encore « débafusion » dont je me demande encore ce que la fusion vient faire là dedans. Finalement le jury a retenu simplement le mot « débat ». Là encore, tout ça pour ça...
Faites donc bien attention à ce que vous allez désormais dire ou écrire. Ainsi ne dite plus :
après avoir reçu la newsletter, je me suis inscrit sur un tchat de tuning puis ai participé à un talk qui a fait le buzz.
mais :
après avoir reçu l'infolettre, je me suis inscrit à un débat de bolidage puis ai participé à un éblabla qui a fait le ramdam.
Ca envoie du slip non ?
Et comme disait je-ne-sais-plus-qui ce matin : la langue française étant menacée par des mots étrangers, on remplace l'anglais "buzz" par l'arabe "ramdam". Très logique.
RépondreSupprimerA la Renaissance, les lettrés se plaignaient parce qu'on employait trop de mots d'origine italienne. Plus ça change, plus c'est pareil. :)
RépondreSupprimerEt puis de toute façon, dans 30 ans, les petits collégiens français feront tous chinois en première langue. :P
Lol, pfff la langue française est en danger... qu'on améliore d'abord les programmes éducatifs d'écoles primaire, et après on verra ! Et puis c'est une évolution de la langue, il faut s'y faire... ok le français ne fait pas le poids face à l'anglais, eh bien trouvons des solutions intelligentes, comme je sais pas moi... adopter une politique économique protectionniste, stopper la mondialisation, et supprimer l'apprentissage de l'anglais de nos écoles... :D
RépondreSupprimerah ben ça envoie du slip à mort, et vu que le ibang fait rage, les slips vont tous exploser par webcams interposées. Et vive la langue française !!!
RépondreSupprimerJe préfèrerais qu'on "francise" les mots anglais importés que tout le monde comprend comme on l'a fait jusqu'en 1950 environ et comme on continue à le faire en espagnol et en portugais surtout en Amérique latine ( j'adore le futebol et le bife (steak) des brésiliens!!).
RépondreSupprimerMais quels mots emploient donc les Québequois? Je pense qu'on devrait simplement les copier
Et si nous appelions tout simplement un "chat" un "chat" ?
RépondreSupprimerM'enfin c'est que mon avis.
A propos du français et de l'anglais, je me permets d'ailleurs de suggérer à tous ceux que le mélange des langues (sans arrière-pensée, évidemment) intéresse, un super bouquin que chimiste méchant m'a lui-même suggéré : "Honni soit qui mal y pense". Vous y trouverez tout sur l'immense quantité de mots français passés outre-manche et qui nous reviennent, leur déformation au passage de l'outre-atlantique, et pour les curieux de langue québécoise, une bonne série de termes utilisés chez nos cousins francophones.
Après avoir reçu la plinfo, je me suis inscrit à un convel de revoiturage puis ai participé à un échapar qui a fait un ibang.
RépondreSupprimerIl était tant d'immortaliser Momone, elle se serait retournée dans sa tombe!
ça post du calbut!
Je trouve que le "clavardage" québecois sonne mieux que le "claverbiage" mais bon... Comme je ne clavarde ni ne claverbe, je devrais pouvoir au quotidien m'en dispenser.
RépondreSupprimerAllons, parce que je suis en forme, un petit amalgame facile : si la langue française est en danger, il suffit d'avoir entendu une seule fois s'exprimer notre Présiprince pour avoir une idée de l'estime en laquelle il tient notre langue en général, et la littérature en particulier. À partir de là, pas grand-chose ne me surprend.
Ce billet est aussi sympathique que la connerie de Joyandet et consorts est remarquable.
RépondreSupprimerJ'aime aussi, assez, le "ça post du calbut" qui renvoie au plus grand des archaismes le fabuleux " c'est la fête du slip!"
La commission ne propose rien pour "relooker" ? :)
RépondreSupprimer@ virgile : Très curieuse francisation en effet. Le site du CNRTL nous apprend que "Ramdam" est un emprunt avec altération de la consonne finale, sans doute par assimilation à distance, à l'arabe maghrébin "ramḍān", correspondant à l'arabe classique "ramaḍān" ; le sens du mot en français vient du fait que l'aspect le plus caractéristique du ramadan, aux yeux de nombreux non-musulmans, soit l'intense et bruyante activité nocturne qui suit les journées de jeûne durant ce mois.
RépondreSupprimer@ Thomas : Ce n'est pas que le Français ne fait pas le poids. C'est plutôt qu'en matière de nouvelles technologie la France accuse un sérieux retard face aux Etat Unis qui développe tous les nouveaux joujous technologiques qui inondent la planète.
@ Fabisounours : Le Ibang fait rage ? Mon dieu, ce garçon est un vrai dépravé ! :D
@ Alain : Je partage ton avis : l'assimiation par intégration me paraît une bonne méthode car elle est le fruit inconscient de la collectivité. La langue n'est pas un produit que l'on édicte autoritairement... Je ne sais pas quelle est la méthodologie Québéquoise en l'espèce mais leur vocabulaire fleuri se prête assez bien, vu de l'extérieur, à la néologie.
@ Kingluther : Je m'étais promis de le lire celui là... Je ne l'ai toujours pas acheté.
@ Homocity : Hérésiiiiiiiiiiiie !! :D
@ Eric : J'aime beaucoup aussi "clavardage" que j'avais rencontré il y a peu chez patrickantoine qui a tout récemment modifié le sous-titre de son blog.
@ Corto74 : Joyandet qui s'est dernièrement illustré, nous apprend la presse nationale, par un aller-retour pour la Martinique en Jet privé à plus de 100.000 Euros ... L'info a fait le ramdam !
@ Nachu : Des propositions ? C'est groovy pourtant "relooker".
Ça me fait pensé à il y a quelques années quand Jacques Toubon voulait, lui aussi, lutter contre les anglicismes... Le débat n'est pas nouveau, et les nouveaux mots trouvés ne fonctionneront pas, vu qu'ils sont totalement surréalistes... eheh éblabla, fallait le trouver celui-ci!!
RépondreSupprimerTu dis "arrfgh" à l'orgasme toi ? ça c'est rigolo... quoiqu'assez peu agréable à entendre...
RépondreSupprimerj'hallucine...!! Oui, tu as raison, un forum, des fora... m'enfin, tu pousses un peu :p
en effet, éblala et tchatche, c'est nul... ça rend l'activité insignifiante, noyé dans la quantité de paroles... "claverbiage" me donne cette impression aussi. J'aurais préféré clavardage, plus neutre et aussi, plus facile à prononcer, je trouve.
Je lirai et commenterai la suite de ton billet après manger. Bon appétit !
Pour finir, je crois que tu as inversé éblabla et débat, dans ta version en langue française...
RépondreSupprimer".. un éblabla de bolidage et ai ensuite participé à un débat qui a fait du (ou le ?)... le ramdam" ...
Didiou, je ne sais plus parler français...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimer@ Alban : tu as raison. Je vous recommande la lecture de cette page du site de l'Académie Française qui fait un bref mais argumenté exposé des évolutions de la langue française et en particulier une appréciation critique réservée des lois successives de réforme de l'orthographe.
RépondreSupprimer@ Antoine : J'ai confusionné... Quel citoyen indigne je fais !
Peros, je trouve que "bolidage" est bien adapté : d'autres mots aurait sans doute été trop "soutenu" pour nommer cette activité...
RépondreSupprimer